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chassa pendant plus d’une lieue sur la route de Tours. Les représentants se tenaient sur les ponts de la Loire et sabraient les premiers fuyards ; la déroute fut bientôt complète, alors ils prirent le galop encore plus vite que les autres, et se retirèrent à Tours. Il y avait deux redoutes hors la ville, sur le chemin de Doué, fort bien faites, avec trois ou quatre mille hommes dedans. M. de la Rochejaquelein les attaqua dans la nuit et eut l’imprudence de vouloir passer entre les deux redoutes ; son cheval fut tué sous lui, il resta là en attendant le jour, mais les Bleus décampèrent sans bruit, repassèrent en désordre par Doué et s’enfuirent à la débandade. M. de Marigny alla lui-même, le lendemain matin, proposer au château de capituler ; il pouvait nous coûter beaucoup de monde, il y avait dedans quatre cent cinquante hommes et beaucoup de canons. Cependant n’ayant pas de vivres et effrayés par la déroute complète des leurs, ils se rendirent à midi, laissant leurs armes, à l’exception des officiers, qui gardèrent leurs sabres et leurs chevaux. Toute la garnison se retira à Tours sans aucune condition, et avec les honneurs de la guerre. Dans ce combat, on avait mené la fameuse Marie-Jeanne ; elle y fut fêlée, mais on le cacha aux soldats. Nous prîmes près de quatre vingts pièces de canon, des milliers de fusils, beaucoup de poudre, cent cinquante barriques de salpêtre. Nous eûmes soixante hommes tués, quatre cents blessés ; les Bleus perdirent dans ce seul combat quinze cents hommes, sans compter les blessés, et nous fîmes onze mille prisonniers dans les quatre batailles que je viens de décrire, données en cinq jours, ce qui paraîtra sûrement prodigieux. On tondit tous les prisonniers, et on les renvoya avec serment de ne plus servir ; on n’en garda qu’une centaine. On a raconté que M. de Marigny fit à Saumur un tour de force et d’adresse bien singulier : il aperçut un de nos cavaliers qui prenait la déroute, il courut sur lui au grand galop, et, d’un seul coup de sabre, coupa net le coup du cheval, dont la tête et le corps se trouvèrent absolument séparés.