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leur chef. Je n’oublierai certainement pas le trait sublime de Loiseau[1], cavalier de la brave paroisse de Trémentines en Anjou, et qui vit encore ; il défendit M. Dommaigné tant qu’il put, tua trois hussards sur son corps, et, blessé d’un coup de sabre au bras, ne pouvant d’ailleurs résister seul à la cavalerie ennemie, se laissa tomber de cheval comme mort ; notre infanterie vint charger les hussards et les cuirassiers ; alors il se releva, prit une pique et marcha à la tête des fantassins ; les nôtres, lassés de voir qu’ils portaient des coups inutiles à ces hommes bardés de fer, visèrent leurs chevaux, les démontèrent et tuèrent les deux cents cuirassiers, aucun ne put se sauver ; ils furent aidés par notre artillerie que M. Marigny dirigea contre cette troupe, [Mon père amena un renfort d’environ six cents hommes ; se trouvant en état d’attaquer, on assaillit le camp de front.]

La ville fut prise le soir, M. la Rochejaquelein y entra le premier, le sabre à la main, avec M. de Baugé ; ils s’élancèrent au milieu des Bleus, allèrent jusqu’au pont de la Loire, et, voyant venir à eux le flot des fuyards, se mirent de côté sur la place de la Bilange : là M. de Baugé chargeait les carabines, et Henri tirait sur cette troupe effrayée ; pas un individu n’eut l’idée de les viser, excepté un dragon qui vint droit à eux, déchargea sur chacun un coup de pistolet et fut tué d’un coup de sabre par Henri ; il fouilla dans les poches du mort, prit ses cartouches et continua de tirer, près d’un quart d’heure. Pendant ce temps, les canons du château faisaient feu sur eux : M. de Baugé fut blessé à l’épaule d’une contusion qui le jeta par terre, Henri le releva, le fit remonter à cheval. Quand tous les fuyards eurent passé le pont, Henri se mit à la tête de nos gens qui les poursuivaient, et les

  1. Michel Loiseau, dit l’Enfer, né à Trémentines, breveté lieutenant-colonel sous la Restauration, mort à Vezins, près Vihiers, le 13 juillet 1833, à l’âge de soixante-quatre ans.

    Son frère Jean fut surnommé Berrier parce que, à la seconde bataille de Coron, il avait tué de sa main plus de vingt volontaires de la légion du Berry. Il mourut à Trémentines, près Cholet, le 15 janvier 1818, à l’âge de quarante-sept ans.