Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’avait cru. Dans le fait, comment aurait-on pensé que quinze mille paysans (car beaucoup de gens de la grande armée étaient retournés chez eux, et l’armée de Bonchamps, croyant l’attaque fixée au lendemain, se mit en marche en apprenant que le combat commençait, se trouva à l’arrière-garde et ne donna pas dans le premier moment), comment, dis-je, aurait-on cru que des paysans, sans avoir pris la moindre disposition pour l’offensive, puisqu’ils avaient marché sans ordre, s’empareraient de Saumur, défendu par un château antique extrêmement fort, seize mille hommes, presque toutes troupes d’élite, et soixante-six pièces de canon ? On a vu que les soldats, par une espèce d’inspiration, s’étaient mis tous à courir à Saumur ; les officiers furent obligés de suivre l’impulsion, devenue si forte que, malgré leur diligence, ils purent à peine arriver en tête, aux premiers coups de fusil, M. de Lescure prit le commandement de l’avant-garde, MM. de la Rochejaquelein et Cathelineau se placèrent à la droite et à la gauche ; M. de Marigny avait couru à ses canons : dans ce désordre, chacun cherchait à faire de son mieux. Au milieu de cette confusion, M. de Lescure se trouva seul, sans avoir même un officier avec lui ; la lutte s’engagea, et aussitôt il fut atteint, à six pas, d’une balle qui lui traversa de part en part le bras gauche près de l’épaule ; heureusement elle ne toucha pas l’os ; il fut dans l’instant couvert de sang ; les soldats se mirent à crier : « Il est blessé, nous sommes perdus ! » et, se voyant sans chef, ils voulaient prendre la fuite ; mais il se fit serrer le bras avec des mouchoirs, rappela les paysans en leur disant que c’était une égratignure, et resta à les commander pendant sept heures entières que dura le combat ; il se fit panser plus tard dans la ville. M. de Dommaigné fut tué, ayant été renversé de cheval par un coup de mitraille et foulé aux pieds par les hussards et les cuirassiers. Nos cavaliers, n’ayant pas encore eu affaire à cette dernière troupe, furent si effrayés de voir que leurs coups ne pouvaient les blesser, qu’ils s’enfuirent d’abord, abandonnant