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ses gens ; ils s’avancent pour lui parler, leurs soldats les suivent nonchalamment ; tout à coup une batterie masquée fait une décharge à mitraille à vingt pas, frappe le cheval de M. de Lescure au poitrail et casse toutes les branches de quelques arbres à côté d’eux ; cependant aucun des trois n’est blessé. Ils appellent les soldats, se précipitent à leur tête sur les Bleus ; ceux-ci, confondus du courage de ces paysans, qu’ils regardaient comme vaincus d’avance par leur ruse, sont culbutés et s’enfuient à Doué dans une déroute complète, abandonnant plusieurs canons ; les nôtres arrivèrent plus d’une demi-heure après cette bataille étonnante, où nous ne perdîmes presque personne, et on vit le même jour Vihiers pris, repris et pris de nouveau.

Les paysans, les officiers et les généraux de la grande armée y vinrent en foule, excepté M. d’Elbée, blessé. Dès le lendemain l’armée fut nombreuse, et c’était bien nécessaire ; celle des Bleus, en y comprenant la troupe battue à Vihiers, avec celle de Doué et de Thouars, était de trente-neuf mille hommes, dont plus de la moitié excellentes troupes de ligne. Les Jacobins ne regardaient plus l’insurrection de la Vendée comme une bagatelle, elle leur paraissait si dangereuse qu’ils y envoyaient leurs meilleures milices ; ils venaient même de demander quatre hommes de choix par compagnie de toute l’armée du Nord, ils les avaient fait partir en poste avec d’autres bataillons. Il est vraiment étonnant et pourtant vrai de dire que toutes ces troupes arrivèrent en cinq jours de Paris à Saumur ; tout, jusqu’aux canons, allait en poste ; on avait pris tous les fiacres de Paris, des relais de réquisition se trouvaient sur la route, le reste des hommes se rendait par eau ; enfin ces forces avaient été réunies comme par féerie ; il y avait douze représentants à Saumur. L’armée royale marcha sur Doué ; l’ennemi avait environ douze mille hommes ; on s’attaqua près de Concourson, il pleuvait à verse, les deux partis ne firent pas grand’chose ; en général on se battit avec peu d’ardeur. Cependant nous fûmes vainqueurs, les Bleus se retirèrent