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révolution. Jamais on n’a prêché comme lui, d’abondance ; il montait en chaire et parlait deux heures avec une pureté et surtout une force d’expression que je n’ai vue qu’à lui, et qui étonnait quiconque l’entendait. Jamais il ne manquait l’expression propre et jamais il n’hésitait ; avec cela un grand nombre de citations latines, un son de voix également doux et sonore, seulement un peu monotone dans ses intonations et dans ses gestes. Cet homme, comme on voit, avait le plus sûr talent pour émouvoir ; il écrivait aussi bien qu’il parlait. Son éloquence avait surtout le mérite d’être brillante et persuasive ; elle s’emparait également de l’esprit et du cœur ; avec cela il était infatigable ; son extérieur était tel qu’il devait être. Avec tant de moyens, un zèle toujours renaissant et l’air le plus modeste, il prit en peu de temps un grand ascendant sur le conseil supérieur, sur les généraux, sur le peuple surtout ; il n’était question que de lui. Heureux, si ces belles qualités n’eussent pas été ternies par une ambition démesurée et un désir insatiable de tout gouverner, et s’il n’eût pas joint à tant d’esprit le goût de semer les dissensions. On assure qu’il écrit l’histoire de la Vendée : dans ce cas, on peut être persuadé que ce sera l’ouvrage le mieux fait et le plus partial qui ait jamais paru[1]. Quant à M. Le Maignan[2], chevalier de Saint-Louis, on verra dans la suite que ce

  1. J’ai écrit ceci suivant l’impression qui m’était restée sur le curé de Saint-Laud, du temps où j’étais à l’armée. Depuis on lui reproche bien des crimes, et, en grande partie, la mort de M. de Marigny. N’étant sûre de rien, j’avertis que mon jugement sur cet homme célèbre se rapporte au moment dont je parle ; mais je crois l’avoir infiniment trop flatté de toute façon, même pour cette époque, car son ambition, son désir de se mêler de tout, son plaisir à semer la discorde afin de gouverner, flattant les uns, menaçant les autres, tous ces défauts, dis-je, ont paru en mille occasions, mais petit à petit et toujours en augmentant. J’ai su depuis que le curé de Saint-Laud avait fait brûler tous ses papiers, au nombre desquels était son histoire de la Vendée. Il avait fourni les notes sur l’histoire de M. de Beauchamp et l’éloge d’Henri, qui sont dans le troisième extrait de la Gazette de France. Il était très mal alors et mourut peu de temps après. (Note de l’auteur.)
  2. Louis-Athanase Le Maignan, chevalier, seigneur de la Verrie, baptisé le 20 août 1733 à Nueil-sous-Passavant, près Vihiers, fut lieutenant des milices dans la compagnie de Menou, et capitaine le 1er septembre 1759. Chevalier de Saint-