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fantassins[1]. Pour achever ce qui concerne cette pièce, je dirai qu’elle fut ramenée en triomphe par les soldats, en Vendée ; dans tous les villages, les femmes allaient au-devant d’elle, l’embrasser et la couvrir de fleurs et de rubans.

Nous prîmes deux caisses militaires à Fontenay, toutes deux en assignats de quatre cents francs, de nouvelle fabrique, les premiers qui eussent été tirés sans l’effigie du Roi ; une de ces caisses fut pillée par les soldats : voyant qu’ils étaient au nom de la République, ils n’en firent aucun cas, et plusieurs s’amusèrent à se les mettre en papillotes. L’autre était de neuf cent mille francs en assignats de même espèce ; on les garda pour les besoins de l’armée, et afin de donner confiance, on mit derrière : Bon pour quatre cents livres. Au nom du Roi, signé par les membres du conseil supérieur, dont je parlerai ci-après.

Tous ceux qui avaient des assignats s’empressèrent depuis à les soumettre à cette formalité, qui seule les faisait accepter, et, dans le fait, si le Roi fût remonté sur son trône, ne les eût-il pas payés ? Il y en avait peut-être pour trois ou quatre millions en tout, dans la Vendée. Nous prîmes dans le combat de Fontenay au moins trente pièces de canon, de la poudre, beaucoup de fusils, [un grand nombre de drapeaux, entre autres celui du département.] On tua sept cents Bleus, et nous perdîmes fort peu de monde.

Là, M. Carrière[2] nous joignit : c’était un avocat de Fon-

  1. Malgré le trait hardi de Forest, les autres gendarmes s’étaient avancés ; il y eut un engagement assez chaud pour reprendre Marie-Jeanne, et plusieurs paysans furent tués. (Note du manuscrit.)
  2. M. Carrière avait un extérieur assez agréable, parlait avec facilité ; l’évêque d’Agra se l’attacha, en le faisant nommer procureur général pour le Roi en conseil supérieur. Dans cette place, il ne développa aucun talent, montre seulement des prétentions, et fut un de ceux qui, par vivacité, brouillèrent toutes les affaires. (Note du manuscrit.)

    Mathurin-François-Augustin-Louis Carrière, dit L’Honorey, né en 1761, avocat, membre du comité contre-révolutionnaire de Fontenay ; il fut blessé à la bataille du Mans ; mis hors la loi par le tribunal criminel de la Sarthe, le 25 nivôse an II, 12 janvier 1794, puis arrêté et guillotiné.