Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les Bleus, épouvantés de l’acharnement des Vendéens, furent mis en déroute complète, en trois quarts d’heure. L’aile gauche, que commandait M. de Lescure, arriva à la porte de la ville ; il y entra le premier, mais les soldats n’osèrent d’abord le suivre ; MM. de Bonchamps et Forest l’ayant vu de loin, s’élancèrent pour l’accompagner ; il était temps, il se trouvait seul et sa position était fort critique. Ces trois chefs réunis eurent la témérité de s’enfoncer dans la ville, au milieu de plus de quatre mille Bleus encore répandus dans les rues, et qui, glacés d’effroi, se jetaient à genoux et se mettaient à crier grâce. Quand ces messieurs furent sur la place, ils se séparèrent, prirent trois rues différentes, toujours encombrées de volontaires armés ; ils disaient : « Rendez-vous, à bas les armes ; vive le Roi ! on ne vous fera pas de mal. » Cependant, M. de Bonchamps fut blessé, à peine eut-il quitté M. de Lescure ; un soldat, après avoir mis à terre son fusil en criant grâce comme les autres, le reprit sitôt qu’il eut passé, tira, lui traversa un bras et la poitrine dans les chairs et lui fit quatre plaies : heureusement, dans ce moment, les soldats entraient en foule dans la ville, suivant leurs généraux. Ceux de Bonchamps furieux fermèrent la rue et massacrèrent environ soixante Bleus qui y étaient, pour ne pas laisser échapper le coupable.

Quant à M. de Lescure, il eut le plus grand plaisir qu’un homme puisse ressentir ; en quittant MM. de Bonchamps et Forest, il avait pris la rue des prisons, il les fit ouvrir au cri de Vive le Roi, et se jeta dans les bras de M. de la Marsonnière et des deux cent quarante prisonniers enfermés avec lui. Cet officier et plusieurs des soldats devaient être guillotinés le lendemain même ; il avait soutenu son interrogatoire avec une noblesse et une grandeur d’âme qui méritaient mille éloges.

    girondin opposa le plus de résistance ; la majeure partie se fit tuer plutôt que de se rendre ; le petit nombre fait prisonnier fut mis en liberté quelque temps après. (Note du manuscrit.)