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qui courra le plus vite, on ne peut pas s’amuser ici à tirer. » M. de Lescure commandait l’aile gauche ; les soldats ayant un peu de découragement, il fut obligé d’aller en avant, à quarante pas de sa troupe, seul à cheval ; il s’arrêta en criant : Vive le Roi ! Aussitôt il reçut six coups de canon à mitraille, on avait visé sur lui comme au blanc ; par un véritable miracle, il ne fut pas blessé, quoique ses habits fussent criblés, son éperon du pied gauche emporté, avec un grand morceau de sa botte, au mollet de la jambe droite ; il se retourna en criant aux soldats : « Mes enfants, les Bleus ne savent pas tirer, vous le voyez bien, allons, en avant. » Les soldats transportés s’élancèrent si vite, que M. de Lescure dut prendre le grand trot pour rester à leur tête ; [dans ce moment, les paysans apercevant une croix de mission, se mirent à genoux autour, quoique à portée du canon. Il passa au-dessus d’eux plus de trente boulets. Dans cet endroit, il n’y avait que MM. de Lescure et de Baugé à cheval. Celui-ci dit à M. de Lescure de faire avancer les soldats ; il lui répondit tranquillement : « Laissez-les prier Dieu »[1]. Enfin, ils se relevèrent et coururent sur les ennemis.] Pendant ce temps, M. de Marigny faisait tirer avec succès le peu de gargousses que nous avions. M. de la Rochejaquelein s’était mis à la tête de la cavalerie avec MM. de Dommaigné et de Beaurepaire ; ils firent des prodiges de valeur, et Henri un trait au-dessus de son âge : après avoir battu la cavalerie ennemie, au lieu de la poursuivre, il tomba sur le flanc de l’aile gauche des ennemis, qui soutenait le combat avec quelque succès, et par là, acheva de décider la bataille ; je voudrais savoir d’autres détails sur les circonstances de ce combat, je dis ce que j’en sais[2].

  1. Ce trait est le sujet qu’a choisi M. Robert Lefebvre, premier peintre du cabinet du Roi, pour le portrait de M. de Lescure, commandé par Sa Majesté. (Note de l’auteur.)
  2. À cette bataille, M. de Lescure prit les deux premiers espions que les Vendéens aient arrêtés : il mit pied à terre pour les saisir. L’affaire dura cinq quarts d’heure, on tira tout au plus deux cent cinquante coups de canon. Un bataillon