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évêque d’Agra in partibus, arriva en Vendée. C’était un grand bel homme, d’une trentaine d’années, peu d’esprit, mais beaucoup de douceur, et l’air entièrement recueilli : cet homme est vraiment jusqu’à présent le mystère de la Vendée, comme le Masque de Fer fut celui du règne de Louis XIV ; on verra par la suite de ces Mémoires qu’après avoir été reçu avec enthousiasme, il fut soupçonné d’être intrus et espion ; jamais rien n’a été éclairci, pas même à sa mort. Quel pouvait être son but ? Car, nous ayant trompés, la contre-révolution faite, il était perdu ; s’il était traître, comment l’a-t-on guillotiné ? À la vérité, les Jacobins étaient bien capables de faire périr leurs espions mêmes. Cependant M. de Folleville disait avoir été sacré à Saint-Germain, secrètement, par des évêques de notre connaissance. La jalousie a peut-être été cause de ce qu’on a dit contre lui, tout cela n’a jamais été bien connu ; ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que cet homme manquait absolument d’énergie, chose si nécessaire dans le rôle qu’il voulait jouer. Je rapporterai, à mesure, tout ce qui le concerne ; la manière dont il arriva en Vendée est fort bizarre. Il était caché à Poitiers[1], sans qu’on sût qu’il était prêtre ; il fut envoyé de force à Bressuire comme volontaire, de là à Thouars avec la troupe ; quand on prit la ville, il était dans une maison, les paysans y entrèrent, il leur montre des sacrés-cœurs cousus dans son habit, les assura qu’il était prêtre ; il se fit présenter par quelques personnes au conseil de

  1. M. Guillot de Folleville vint de Paris à Poitiers sous le prétexte de fuir la persécution, et alla chez une de ses parentes qui ne le connaissait pas ; il paraissait dans les cercles les plus aimables et y fut goûté. Le matin était donné aux âmes pieuses et à quelques religieuses de la ville : elles l’admiraient comme un prodige de sainteté, Comme il vit des sœurs de Saint-Laurent, il se fit passer pour évêque, peut-être dans le seul but de se faire considérer davantage ; les bonnes sœurs en écrivirent aux missionnaires, la correspondance fut bientôt établie ; personne ne douta de la réalité de son épiscopat. Lors de la guerre de la Vendée, il soutint ce rôle, se fit présenter à l’état-major sous ce titre ; la confiance qu’on avait dans les missionnaires ôta tout soupçon. C’est le cardinal Maury qui poursuivit sa condamnation et obtint le bref du Pape, apporté par M. de Saint-Hilaire, au passage de la Loire. (Note du manuscrit)