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ils faisaient boulanger dans le lieu du rassemblement. C’était à qui fournirait du pain et de la viande. Il était défendu aux femmes de paraître à l’armée, mais c’était à qui se trouverait sur son passage, pour offrir à manger ; elles se mettaient à genoux à dire leur chapelet pendant que l’armée défilait. On peut juger par là de l’enthousiasme général du pays. Pour ne pas écraser le paysan, on avait soin de faire surtout prendre des vivres chez les nobles, émigrés ou non ; le rassemblement ne durait jamais que deux ou trois jours.

Il n’y avait ni tentes ni bagages, et ce qui étonnera le plus, pas une sentinelle, car jamais paysan n’a voulu consentir à monter la garde, même étant payé ; il n’y avait presque jamais de patrouille. C’était un officier qui allait seul à la découverte pour former des colonnes et diriger les troupes ; on disait : Monsieur un tel va par tel chemin, qui le suit ? Les soldats qui l’aimaient se mettaient en marche ; quand on voyait qu’il y en avait assez de ce côté, on les faisait passer par un autre. Celui qui avait un commandement emmenait avec lui quelques officiers, et là il séparait sa troupe en plusieurs corps, de la même manière ; on se mettait à une croisée de chemins, on faisait passer chacun d’un côté et de l’autre ; on ne disait jamais : À droite, à gauche, mais : Allez du côté de cette maison, du côté de cet arbre. Tous ces détails paraîtront des rêves, je répète qu’ils sont vrais.

[Les chefs portaient habituellement, pendant l’été, des vestes, gilets et pantalons de siamoise de toutes couleurs, fabriquée à Cholet ; quelques-uns avaient des vestes de drap vert avec des collets noirs ou blancs. Quand il faisait froid, ils mettaient des redingotes, même des habits, comme avant la guerre ; Henri a fait toute la campagne avec une redingote bleue. On peut dire que chacun s’habillait avec ce qu’il avait et comme il pouvait.]

Je ne puis finir ce qui concerne l’armée sans parler des hôpitaux ; jamais on n’en a eu de mieux servis que ceux de la