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« Pourquoi veut-on que je sois général ? Je suis trop jeune, je voudrais être hussard, pour avoir le plaisir de me battre. » [Jamais il n’a fait un prisonnier sans lui donner la possibilité de lutter corps à corps avec lui.]

M. de Lescure commandait les environs de Bressuire ; aussi brave qu’Henri, il était beaucoup plus réfléchi ; rien n’égalait son sang-froid. Il avait étudié toute sa vie la tactique, aussi était-il l’officier de l’armée le plus instruit, le seul même capable d’attaquer et de défendre des places ; à cette époque, il n’avait que la théorie. Son seul défaut était l’entêtement. Les officiers le respectaient et l’aimaient infiniment ; c’était lui qui les instruisait tous, pour leur faire comprendre les fortifications des camps des Bleus. Ces deux amis n’avaient nulle ambition et étaient unis comme deux frères ; tout le monde les aimait et ne parlait que de leur courage.

Tels étaient les généraux de l’armée ; il faut y ajouter mon père : étant maréchal de camp et ayant fait les guerres d’Allemagne, il aurait dû avoir autorité sur les autres, mais il ne s’en souciait pas, n’ayant nulle ambition ; il ne désirait qu’être à l’armée. Cependant on lui témoignait beaucoup de respect ; s’il eût voulu ne pas toujours se mettre de côté, il eût commandé ; mais naturellement timide et peu communicatif, il se tenait à l’écart[1].

J’en citerai un trait comique. Le jour de son arrivée à l’armée, M. d’Elbée lui dit de compter qu’il ferait savoir au Roi sa conduite, quand la contre-révolution serait faite, par un de ses parents, écuyer de M. le prince de Condé ; si mon père avait dit qu’il était gentilhomme d’honneur de Monsieur et avait passé sa vie à la cour, M. d’Elbée, qui n’était pas dépourvu d’ambition,

  1. M. de Donnissan avait la meilleure tête de tous les chefs, voyait très bien les événements, mais il ne communiquait guère ses idées. Il avait prévu dès le commencement les tristes suites de cette guerre et sa fin déplorable. (Note du manuscrit.)