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Stofflet[1], garde-chasse de Maulévrier, commandait toute cette partie : c’était un homme grand, âgé de quarante ans ; il avait été soldat dans un régiment allemand ; rempli d’ambition, il a depuis perdu l’armée par ce défaut même, qu’il ne paraissait pas encore avoir ; tout le monde alors, ainsi que lui, ne poursuivait qu’un but, celui de faire le mieux possible. Les soldats ne l’aimaient pas, le trouvant trop dur, mais ils lui obéissaient mieux qu’à personne. Brave, actif, intelligent, les officiers l’estimaient beaucoup, et il était utile, en ce que les soldats lui étaient soumis. [À la fin, de mauvais conseillers se sont emparés de son esprit, l’ont gouverné et lui ont inspiré un orgueil, une vanité qui ne lui étaient pas naturels ; cela lui a fait commettre de grandes fautes, qui ont causé beaucoup de tort au parti.]

Cathelineau, paysan du Pin-en-Mauges, commandait toutes les Mauges. C’était un homme d’environ trente-quatre ans, d’une douceur, d’une modestie, d’une bravoure et d’une intelligence rares ; il se mettait toujours à la dernière place, quoiqu’on lui rendît tout plein d’égards ; tout le monde l’adorait, et les soldats l’appelaient le Saint d’Anjou, à cause de sa grande piété, comme ils ont appelé depuis M. de Lescure, le Saint du Poitou.

M. de la Rochejaquelein commandait les environs de Châtillon ; son courage, qu’il poussait souvent jusqu’à la témérité, lui avait fait donner le surnom d’Intrépide. Il avait le coup d’œil extrêmement juste et des dispositions naturelles étonnantes pour la guerre ; ses défauts étaient de s’occuper peu du conseil, quoiqu’il eût d’excellentes idées, et d’être quelquefois emporté par son courage à s’exposer comme un fou sans nécessité, quand les Bleus étaient en déroute. Souvent on le lui reprochait ; il disait :

  1. Jean-Nicolas Stofflet, né à Bathelémont-lès-Bauzemont, en Lorraine, le 3 février 1753, ancien militaire, garde-chasse au château de Maulévrier, près Cholet, devint un des principaux chefs de la Vendée. Il fut arrêté par trahison à la Saugrenière, près Jallais, et fusillé à Angers le 25 février 1796.