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elle était exposée à beaucoup plus d’ennemis. Dans le fond du pays commandait Charette ; son plus fort rassemblement allait à vingt mille hommes ; il avait à se défendre contre Nantes et les Sables. Du côté de Montaigu était l’armée de Royrand, qui faisait douze mille hommes, et n’avait à surveiller que Luçon ; de l’autre côté, le poste commandé par MM. de Lyrot et d’Ésigny se défendait aussi de Nantes : le rassemblement pouvait aller à trois ou quatre mille hommes. L’armée de Bonchamps était opposée à Angers ; elle était de dix à douze mille hommes, mais elle se réunissait souvent à la grande armée. On le voit, ces différents corps, entourés par la Loire, la mer, les marais de Luçon et la grande armée, ne pouvaient se battre que sur leur terrain ; au contraire la grande armée, soutenue par les autres sur ses derrières, n’avait devant elle ni par côté aucune barrière naturelle, et, par conséquent, avait un grand pays à défendre : la Châtaigneraie, Fontenay, Parthenay, Airvault, Thouars, Vihiers, Doué, Saumur, tout se réunissait contre elle ; c’est pourquoi elle a livré tant de combats et pris tant de villes.

Tâchons maintenant d’expliquer comment elle était commandée. Il n’y avait point eu de nomination de généraux ; les hommes obéissaient à ceux en qui ils avaient confiance.

M. d’Elbée menait les paysans des environs de Beaupréau et Cholet ; c’était un petit homme de quarante ans ; il n’avait jamais été que sous-lieutenant d’infanterie et était retiré du service depuis quinze ans. Il était brave et dévot au suprême degré ; il ne savait des combats que s’avancer, en disant : « Mes enfants, la Providence vous donnera la victoire » ; les soldats le regardaient comme la bannière. Il avait de l’amour-propre, un dévouement entier, d’excellentes intentions, un enthousiasme extrême ; du reste, c’était un homme de paille. Cependant tout le monde avait infiniment d’estime et de déférence pour lui. Il était d’une politesse excessive, mais fort vif, et s’emportait, répétant gravement : Confions-nous à la Providence.