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Si on réfléchissait au danger, quand on commence une guerre civile, il n’y en aurait jamais ; une fois engagée, il faut bien la soutenir ; mais on a besoin d’un courage extraordinaire ou d’une témérité sans réflexion pour l’entreprendre, et, par dessus tout, dans les deux cas, d’un enthousiasme violent.

M. de Lescure, M. de Marigny et un domestique montèrent sur d’excellents chevaux et partirent pour Châtillon. À peine étaient-ils en marche, que je vis arriver un patriote de Bressuire qui se glissait en tremblant le long des murs du château, en répétant à demi-voix : « Ils y sont, ils y sont ! — Qui, lui-dis-je ? — Les Brigands, dans Bressuire ; ils sautent à cheval par-dessus les murs, par-dessus les maisons. » Je le laissai s’affliger avec les autres gens de la ville, et je fis partir secrètement un domestique à bride abattue pour chercher M. de Lescure, qui revint au bout d’un quart d’heure. Je passai ce temps à causer avec tout ce monde qui mourait de peur. Comme mon mari arrivait, un des métayers entre dans la cour, pour avertir que les Brigands avaient retenu leurs bœufs, mais, ayant appris qu’ils étaient à lui, ils avaient promis de les relâcher sur un billet de sa main. M. de Lescure dit en riant aux gens de Bressuire : « Il me paraît qu’effectivement vous avez raison, les Brigands aiment les nobles ; je vais aller chercher mes bœufs, et je vous promets de tâcher de sauver vos meubles ; restez ici sans inquiétude. » Quand il fut parti, je pensai que peut-être M. de la Rochejaquelein n’arriverait pas le premier au château ; alors il serait possible que les révoltés que nous verrions d’abord, et dont je ne connaissais pas l’esprit, fissent un peu de tapage, en trouvant tant de patriotes chez moi. Je les engageai donc à quitter leur cocarde, sans leur déclarer encore positivement mes intentions ; je leur dis que, n’étant pas en état de nous défendre contre aucun parti, il fallait n’avoir le signe d’aucune opinion ; ensuite, je les mis tous dans une aile du château sur la cour et leur recommandai d’y rester sans bruit. Maman était