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connaissait M. de Lescure, il fut charmé de ce que personne ne pensa à nous. La terreur des républicains était si grande, qu’ils laissèrent la caisse, et quatre cavaliers revinrent la chercher ; ils abandonnèrent aussi beaucoup de drapeaux. Presque tous les habitants de la ville s’enfuirent à Thouars[1].

Allain nous demande, ainsi que sa femme, de se réfugier à Clisson ; nous y consentons et, suivant leur désir, nous envoyons chercher beaucoup de charrettes de nos métairies pour emporter leurs effets ; tous les gens de Bressuire croyaient que leur ville serait brûlée, à cause de tout le mal qu’elle avait fait aux paysans lors de la première révolte et des derniers massacres des prisonniers. Plusieurs hommes et femmes de la ville viennent aussi nous demander asile à Clisson ; nous leur disons que nous ne refusons pas, mais que, si les Brigands tuent tout, comme eux l’ont toujours prétendu, nous courons autant de risques à Clisson qu’eux-mêmes. Ils insistent, assurant que les Brigands ne brûlent pas les châteaux et aiment les nobles. M. de Lescure n’a pas l’air de le croire, et dit cependant qu’il recevra avec plaisir toutes les personnes qui voudront se sauver chez lui ; que d’ailleurs c’est le chemin de Parthenay, et qu’ils pourront y aller de là. Nous étions dans des craintes mortelles qu’on ne vînt nous chercher. Enfin, à onze heures, Allain nous dit que nous pouvions partir, que toute la ville était évacuée, que le peu qui restait d’habitants ne penserait pas à nous arrêter. Nous nous mettons en marche avec Allain ; nous ne rencontrons qu’un seul homme et

  1. Telle était la confusion quand on évacua, que le général Quétineau ordonna à chaque soldat de mettre quatre boulets dans sa poche, cet ordre inexécutable fut cause qu’il en resta beaucoup dans la ville, dont les royalistes s’emparèrent. Dans le désordre de la retraite, la terreur fut si grande, que, l’armée ayant aperçu de loin quelques mouvements dans un champ, on ne put obtenir de la cavalerie de se porter plus de vingt-cinq pas à la découverte ; un seul osa s’approcher un peu plus et dit que réellement c’était une colonne ennemie. Quétineau fit mettre son armée en bataille, dresser ses canons ; il s’avança lui-même pour aller reconnaître l’ennemi ; c’était un paysan qui labourait tranquillement son champ avec un attelage de huit bœufs. Une partie des Marseillais ou bataillon du Nord déserta dans cette retraite, mais sans passer aux Vendéens. (Note du manuscrit.)