Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.

âgée de trente ans. Cette demoiselle avait toute l’instruction et tout l’esprit possibles, mais le jugement faux ; pleine de prétentions, elle menait entièrement son père, qui était instruit, spirituel et bon naturellement, mais qui avait aussi des prétentions et secondait sa fille dans la rage qu’elle avait de tout gouverner. Du reste je lui rends cette justice, qu’elle a eu les soins les plus touchants pour ma grand’mère, pendant sa maladie. Ses deux frères étaient l’un, M. des Places[1], officier de marine, dont je ne parlerai pas, parce que, étant alors émigré, il n’entrera pour rien dans ces Mémoires, et l’autre, l’abbé, depuis le chevalier des Essarts[2], ami de M. de Lescure. Il avait toujours vécu à Clisson, mais il avait été obligé d’en sortir par un arrêté du département des Deux-Sèvres, prescrivant à tous les ecclésiastiques, même simples tonsurés, qui avaient refusé de prêter le serment, de quitter le pays. M. des Essarts, qui était dans le dernier cas, avait été forcé d’aller demeurer à Poitiers ; c’était un jeune homme de vingt-trois ans, extrêmement aimable, doux, gai. Ses deux défauts étaient d’être susceptible et de se laisser diriger par sa sœur qu’il aimait, mais qui avait pris un entier ascendant sur toute la famille. Cette sœur était enivrée d’amour propre et d’ambition, et ne négligea rien dans la suite pour en inspirer à son frère et à son père pendant la guerre de Vendée.

Nous avions en outre, à Clisson, M. le chevalier de Saint-Laurent de la Cassaigne[3] ; il était un peu de nos parents, et comme tout ce qu’il possédait était chez des émigrés, il se trouvait absolument à l’aumône ; M. de Lescure l’avait recueilli chez lui par

  1. Joseph-Michel des Places des Essarts fut retraité sous la Restauration comme capitaine de vaisseau, chevalier de Saint-Louis, puis nommé doyen du conseil de préfecture de la Vienne. Il mourut à Poitiers le 20 novembre 1837, à l’âge de soixante-quinze ans.
  2. Charles-Marie Michel, chevalier des Essarts, né à Boismé. Il fut pris à Montrelais, près Varades, condamné et exécuté à Angers le 19 nivôse an II, 8 janvier 1794. Il était âgé de vingt-cinq ans.
  3. Louis-Charles de la Cassaigne, chevalier, seigneur de Saint-Laurent des Combes, en Angoumois, né à Varennes en Clermontois, le 20 mars 1740.