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« Ô maître des cœurs, frêle adolescent
Qui faisais rêver la forêt superbe,
Ton corps adorable est couché sur l’herbe
Et tes cheveux d’or traînent dans le sang.

« Tes beaux cheveux, blonds comme une saulaie,
Un matin d’avril, dans les prés fleuris,
Tes cheveux d’amour, les voilà flétris.
Comme ils t’ont fait mal ! montre-moi ta plaie,

« Montre ton front pâle et ton cœur charmant,
Tes yeux sans regard, ta bouche entr’ouverte ;
Ô gentil seigneur de la combe verte,
Dormiras-tu donc éternellement ?

« Quand le jour s’apaise et que la nuit tombe
Entre les bouleaux du bois endormi,
Ne verrons-nous plus se perdre à demi
Ta forme légère, ô blanche colombe ?

« Chut !… Là-bas, là-bas, dans cette clarté
Qui baigne les pieds de la forêt brune,
Comme un rossignol dans un rais de lune,
Chante doucement le cor enchanté.

« Est-ce toi qui viens, prince du mystère,
En son abandon parler au cœur las ?
Est-ce toi qui viens, branche de lilas,
De son lourd sommeil éveiller la terre ?