Page:Vicaire - L’Heure enchantée, 1890.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Et sur leurs cous ridés mêle leurs cheveux blancs.
Elles vont, elles vont toujours. Leurs bras tremblants
Dans la nuit qui s’effare ont des battements d’ailes.
Leurs jambes en fuseaux, ridiculement grêles,
Ont peine à se tenir, en dépit des bâtons…
Leurs nez crochus d’oiseaux picorent leurs mentons,
Leur tête branle ainsi que leurs mains maigrelettes
Et leurs os font du bruit comme ceux des squelettes.
Elles vont. Les chevreuils sortent de leurs abris
Et, pour les voir passer, ouvrent des yeux surpris.
L’écureuil les regarde et fait une culbute,
Le crapaud les salue avec un air de flûte,
Et les chauves-souris aux ailes de velours
Les frôlent lourdement. Elles marchent toujours,
Écoutant le passé divin qui les appelle.
La forêt, n’est-ce pas la suprême chapelle
Ou gît encore au bas de l’autel renversé
Le Dieu mystique en beau qu’on n’a pas remplacé ?
Les trois sœurs voient partout sa radieuse image,
Et, complice, la brise accueille leur hommage.
Voici le carrefour où tourna tant de fois
La ronde des ondins et des dames des bois.
Que de perles alors au cou de la nuit brune !
Quel chapelet d’éclats de rire au clair de lune !
Comme tous les échos épient enamourés !
Ainsi qu’un fol essaim de papillons dorés,
Passaient et repassaient dans la lumière bleue
Les pourpoints de satin et les robes à queue.
La viole d’amour, mêlée aux violons,
Disait l’éclat tendre et charmant des cheveux blonds,