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LES SAUVAGEONS


 
Ce sont trois vieilles sœurs, trois vénérables fées.
D’antiques nénuphars grotesquement coiffées.
En tuniques d’argent, hélas ! pleines de trous,
Elles hantent encor la forêt de Jailloux.
Lorsque le vent du soir pleure comme une harpe,
D’aucuns ont aperçu le bout de leur écharpe,
Et c’est avec leurs yeux, doucement étonnés,
Leurs yeux naïfs, pareils à ceux des nouveau-nés.
Tout ce qu’on entrevoit des féeriques royaumes.
Elles ont cousiné jadis avec les gnomes ;
Elles datent du temps où l’on dansait en rond,
Dans la clairière, autour du petit Obéron,
Où Miranda montrait, aux cloches de matines,
Son gracieux visage entre les églantines,
Où Merlin l’enchanteur, las d’avoir tant lutté,
Par l’amour à la fin s’endormait enchanté.
Le bois est leur asile… Elles n’en sortent guère,
Car l’homme, toujours lâche et fou, leur fait la guerre,