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L’eau berce, en bruissant, son visage qui luit ;
Ses cheveux dénoués s’envolent dans la brise.
Pareille au faon sauvage, elle écoute, surprise,
La douce voix qui tremble et se meurt dans la nuit.

Et la voix se rapproche et se fait plus câline.
— « Ô reine au corps plus frais que le jardin des cieux,
Le rossignol chanteur a reconnu tes yeux ;
Il ne veut plus quitter le jardin d’Isoline.

« J’arrive, pour te voir, du royaume des fleurs,
Et mon bouquet magique est trempé de rosée ;
Je viens à sa prison ravir mon épousée,
L’aurore est devant moi qui porte mes couleurs.

« Tourterelle dorée, amoureuse colombe,
N’as-tu pas dans les fers assez longtemps gémi ?
Ton cœur va-t-il rester à jamais endormi ?
Ne lèvera-t-il pas la pierre de sa tombe ?

« Ô ma belle de nuit, n’attends-tu pas le jour ?
Ces lâches t’ont murée ici toute vivante.
Quand donc briseras-tu le joug qui t’épouvante,
Pour tomber dans les bras de l’éternel amour ?

« Écoute tressaillir la parole enchantée
Qui délivre les cœurs et commande au destin ;
Écoute frissonner la chanson du matin.
Surgis en plein azur, belle ressuscitée. »