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L’HEURE ENCHANTÉE

Charlot, Jean de la Lune et Pierre les Dimanches,
Et le roi des Coucous et la reine des Tanches.
Comme des églantiers les uns sont droits et verts,
Les autres sont tortus et vont tout de travers.
Il en est qui sont fiers d’arborer une bosse.
Les uns vont à cheval, les autres en carrosse.
D’aucuns marchent courbés sur d’énormes bâtons ;
Leur nez fait la causette avec leurs trois mentons,
Et, branlants comme il sied à des personnes d’âge,
Ils gémissent : « Oh, oh ! que de dévergondage ! »
Avec un galurin sur sa tête d’oiseau,
Plus d’une mère-grand file son blanc fuseau.
Derrière on aperçoit, en robes dégrafées,
Les ondines du bois joli, les jeunes fées
Qui se poussent du coude et rient du coin de l’œil.
Et tout ce monde, heureux ou triste, en joie, en deuil,
Va, vient, court, coassant comme un cent de grenouilles.
Des vieilles en fureur brandissent leurs quenouilles.
Plick fait un pied de nez, Plock un saut périlleux,
Quand tout à coup plus rien. Silence merveilleux.
Le Seigneur Obéron paraît sur la pelouse
Et donne galamment la droite à son épouse,
Dont le corsage en fleur semble tout un jardin.
— « Messieurs, la cour, glapit l’huissier, un vieil ondin.
Silence et chapeau bas, on appelle la cause. »
Et voici venir, fraîche et blonde et toute rose,
La délinquante. Hélas ! Elle est en grand émoi,
Très fière cependant. — « Approche, dit le roi,
On m’en a raconté de belles sur ton compte.
Une fée embrasser un homme, quelle honte !