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Pourtant j’ai retenu le vieil enchantement.
Du profond de ma nuit, l’enfant aux longues tresses
Se lève comme un ange au seuil du firmament.

La voici comme au jour des dernières tendresses,
Un brin de marjolaine à son corset doré ;
J’ai sur la bouche encor le miel de ses caresses.

Je revois la splendeur de son corps adoré,
Mon désespoir tressaille au souffle de sa joie,
Je reconnais ses yeux qui n’ont jamais pleuré.

Ô Jeunesse, il te faut, sous l’azur qui flamboie,
Dans la maison qu’endort l’arôme du jasmin,
Le doux frémissement des échelles de soie.

Tu n’as pas comme nous la peur du lendemain,
Tu restes aux pays des fêtes éternelles,
Ton cœur est sans pitié pour qui tombe en chemin.

Ah ! combien vont brûler au feu de tes prunelles ?
Dis-leur tout bas ces mots qui nous rendaient heureux,
Unis pour un instant leurs âmes fraternelles.

Laisse nonchalamment, laisse tomber sur eux
L’illusion céleste et le divin mensonge ;
Qu’une chère minute ils se croient amoureux !