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UNE FÉE


Il se lève, et ses yeux, d’où sort une lumière,
Regardent fixement le fantôme enchanté.
Est-ce un rêve ? Jamais châtelaine ou fermière
N’eut cet air de candeur et cette pureté.

Elle aussi le regarde et bientôt s’émerveille.
Robin n’approche pas de cet adolescent.
« Quel songe ! » pense-t-elle, et voici que s’éveille
L’aurore de l’amour en son cœur innocent.

— « Miraculeuse enfant de cette nuit charmante,
Viens-tu pour m’éblouir d’un pays fabuleux ?
Dis à ton serviteur une parole aimante ;
Laisse-moi, sans colère, adorer tes yeux bleus. »

Il s’est mis à genoux au milieu des pervenches,
Radieux et fleuri comme le fils du roi.
Elle avait peur. Bien vite il a pris ses mains blanches
Et murmure tout bas : — « Je te veux ; réponds-moi. »

Elle aurait dû s’enfuir. Déjà les vieilles fées,
Là-bas, là-bas, sous terre, apprêtaient leurs fuseaux.
D’invisibles lilas envoyaient leurs bouffées ;
On entendait au loin le réveil des oiseaux.

Elle aurait dû s’enfuir. Mais les bois et la plaine,
La rivière et le vent, tout lui parlait d’aimer,
Et, laissant de ses doigts tomber la marjolaine,
Elle sentait son cœur prêt à se consumer…