Page:Vicaire - L’Heure enchantée, 1890.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Elle rougit, pâlit tour à tour ; elle compte
Les péchés dont le poids l’accable à tout jamais !
« Oh ! dit-elle, maudit soit tout ce que j’aimais ! »
Le désir anxieux a fait place à la honte.

Elle pleure, elle pleure, et d’un geste éperdu,
Arrachant de son sein le velours et la soie,
Elle dépouille tout de la fille de joie ;
Comme un vase trop plein son cœur s’est répandu :

— « Mon âme qui dormait, Seigneur, s’est éveillée ;
Mes yeux s’ouvrent : Je vois ma vie en frémissant.
J’étais comme un jardin sous les pieds du passant
Et la divine fleur en moi s’est effeuillée. »

Elle foule en pleurant ses ornements païens
Et jette aux quatre vents l’or et les pierreries.
Aussi doux que l’Aurore au-dessus des prairies,
Jésus dit : — « Pauvre sœur, c’est pour toi que je viens. »

— « Est-ce vous qui parlez à celle qu’on méprise ?
Ô pur entre les purs, est-ce vous que j’entends ?
Votre voix en mon âme éveille le printemps ;
Elle effleure mon cœur comme une douce brise.

« Comme on voit un seigneur aux portes du château
Donner aux affamés les restes de sa table,
Vous nourrissez le monde, ô maître charitable,
Et les petits enfants baisent votre manteau.