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À FEU MONSIEUR DE LOSIERES[1].

ODE.


Mon Dieu, que la franchise est rare !
Qu’on trouve peu d’honnestes gens !
Que la fortune et ses regens
Sont pour moy d’une humeur avare !
LOSIERES, personne que toy,
Dans les troubles ou je me voy,
Ne me monstre un œil favorable ;
Tout ne me fait qu’empeschement,
Et l’amy le plus secourable
Ne m’assiste que laschement.

Si j’estois un homme de fange
Ou d’un esprit injurieux,
Qui ne portast jamais les yeux
Sur le sujet d’une louange,
Ou qu’on m’eust veu desobliger
Ceux qui me veulent affliger,
Je ne serois point pardonnable ;
J’approuverois mes ennemis,
Et trouverois irraisonnable
Le secours que tu m’as promis.

Mais jamais encore l’envie
D’escrire un pasquin ne me prit,
Et tout le soin de mon esprit
Ne tend qu’à l’aise de ma vie.
J’ayme bien mieux ne dire mot
Du plus infame et du plus sot,
Et me sauver dans le silence,

  1. De la maison de Thémines.