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Après l’avoir faict condamner,
Alongerent un peu sa vie,
Afin que la mort eust loisir,
Auparavant que le saisir,
De se peindre plus effroyable,
Et sans cesse luy discourir
De son arrest impitoyable,
Pour le faire long-temps mourir.

Une adventure inopinée,
Tentant sa resolution,
Laissa sans execution
La sentence desjà donnée :
Ce navire qui dure tant,
Où Thésée mit en partant
Quelques voiles noires et blanches,
Qui, rendu mille fois nouveau
Et changé de toutes ses planches,
Encore est le mesme vaisseau,

D’une religion fidelle,
Ce navire avec des presens
Partoit d’Athenes tous les ans
Pour faire son voyage en Dele ;
En l’attente de son retour,
Les arrests mortels de la cour
Retenoient leur sanglant tonnerre,
Et ne donnoient jamais la mort
Au plus coulpable de la terre
Que le vaisseau ne fust au port.

Ce navire estoit lors sur l’onde
Et, pendant son esloignement,
Socrate, sans estonnement,
Attendoit à sortir du monde.
Dans ces importunes langueurs
Encore parmy les rigueurs
De la justice inexorable,