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Adonc il se pourpensa que c’est nature de femme que de pleurer ; si se dresça et regarda entour li aussi fierement comme s’il en fust à riens. Lors commanda que le corps fust apresté et conroié[1] et oint de precieux oingnemens[2]. Ceulz à qui il fu commandé le cuirent et l’appalreillierent si comme l’en devoit faire. Quant il fu cuit et conroié, le roy Charles demanda les entrailles[3] à monseigneur Phelippe son neveu ; si les fist porter comme saintes reliques en Cecile, et les fist metre en une abbaïe de l’ordre saint Benoit assez près de Palerne[4], qui est appellée Mont roial[5]. Les ossemens furent mis en i escrin moult bien enbasmé, en riches draps de soie, avec grant foison d’espices souef flairans, et furent gardez bien et chierement tant qu’il furent aportez à Saint Denis en France, là où le bon roy avoit esleu sa sepulture avec les anciens roys de France qui y reposent. Et donna moult de biaux joiaux ou temps qu’il vivoit à l’eglise de Saint Denis, si comme coronnes d’or et riches aornemens et precieux, et con-

  1. Conroié, préparé.
  2. Guillaume de Nangis donne des détails plus précis sur la préparation à laquelle on soumit le corps de saint Louis : « Clientes vero aulici et ministri, quibus hoc incumbebat officium, corpus regis membratim dividentes aquæ vinique admixtione tamdiu decoxerunt, quousque ossa pura et candida a carne quasi sponte evelli potuissent. »
  3. D’après G. de Nangis, il ne demanda pas seulement les entrailles, mais aussi les chairs qui avaient été séparées des os par la cuisson : « Carnem tamen corporis ejus excoctam et ab ossibus separatam, necnon et intestina ipsius petiit. » Cf. Geoffroi de Beaulieu, op. cit., chap. xlvii ; ibid., t. XX, p. 24.
  4. Palerne, Palerme (Sicile).
  5. Montréal.