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et la getai en un fossé plain de fange et d’ordure[1] qui estoit près du fondement du mur. Lors apelai le serjant par son non et li dis : « O bon serjanz et bone gaite, et esperance de touz tes compagnons, dors-tu ou se tu velles ? » Et il me respondi : « Je veille, je veille », et je li redis : « Que fais-tu ? » Et il me respondi : « Que te chaut que je face ? » Et je li redis : « Se besoing te sourdoit maintenant, je cuit que tu n’auroies point d’espée. » Lors jeta les braz à son chief et puis çà et puis là pour querre s’espée. Lors, li redis : « He, bons serjanz, se tu m’eusses ausi bien gardé comme tu as t’espée, je ne fusse hore pas ci », et il me respondi : « Que que il soit hore faite de m’espée, je t’ai bien gardé jusques ci, si comme il m’est commandé et te garderai encore », et je li respondi : « Pour ce donques que tu es si bone gaite et si sage, en guerredon de ton bon service, va et si pren t’espée que tu as si honteusement perdue en ce biau lieu et net qui est touz faiz pour garder armeures[2]. »

En ce jor maismes, li frere de laienz, qui moult estoient engrant[3] de savoir comment ma besoigne se portoit par dehors, me manderent la verité escrite en un roulet, par Hardouin, un chapelain qui chascun jor chantoit une messe devant moi. Si ne le m’osa baillier apertement pour ceux qui me gardoient. Mais quant je alai offrir à sa main[4] pour l’ame de ma fame que je

  1. Le texte latin est plus précis : « inque altas et squalentes feci jactari latrinas ».
  2. Latin : « illo in loco competenti armementorio ».
  3. Engrant, désireux.
  4. Il s’agit de l’offrande des hosties qui devaient être consacrées à la messe. « Cumque de more ei oblationes Deo mactandas, maxime pro conjugis meæ absolutione, quam humanis