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nombre de notes allant de l’année 651 à l’année 1168, qui, dans le monastère d’Anchin, près de Douai, furent ajoutées au texte primitif de Sigebert de Gembloux. Or, le passage des Grandes Chroniques relatif à un prétendu concile qui se serait tenu à Rome en 774 semble bien être la traduction d’une de ces notes.

Nous ne voulons pas terminer cette étude des sources de l’histoire de Charlemagne sans attirer au moins l’attention sur deux faits. Ils mettront bien en relief le souci qu’avait Primat de n’utiliser que des récits considérés alors comme offrant toute garantie d’authenticité, et en même temps, de ne négliger aucun renseignement qui pouvait mieux faire connaître l’histoire de ce règne.

Au début de ce volume[1], Primat, parlant de l’enfance de Charlemagne, dit : « Car cil ne sont pas en memoire que il fist ou tens de s’esfance en Espagne, entor Gallaffre, le roi de Tholete. » Il fait allusion ici à la légende d’après laquelle Charlemagne, banni de France par ses deux frères bâtards, s’enfuit en Espagne chez le roi Galafre et se mit à sa solde sous le nom de Mainet[2]. À l’époque où Primat composa les Grandes Chroniques, on ne connaissait l’enfance de Charlemagne que par des chansons de geste telles que Le Mainet, poème du xiie siècle. Or, comme nous l’avons déjà dit, Primat savait trop combien ces poèmes étaient surtout des œuvres d’imagination pour tenir compte de ce qu’ils relataient. Cependant, il n’ignorait pas non plus qu’ils pouvaient partir d’un fait positif amplifié ensuite et sur lequel ils brodaient. Aussi, quoique n’ayant pas

  1. P. 4.
  2. Voir sur cette légende : Gaston Paris, Histoire poétique de Charlemagne, p. 227 à 246, et Léon Gautier, Les épopées françaises, 2e éd., t. III, p. 30 à 52.