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A Karlemaine manda que il l’atendroit là et que il auroit à lui pleniere bataille. En ces entrefaites, Aygolant rapareilla sa force de toutes parz ; mainte eschiele de combateors asembla et fist moult grant apareil de bataille ; et Karlemaines qui ces noveles oï ne le vot plus ensuivre, car ses oz estoit las et travailliez d’errer et de combatre, et si estoit moult afebloiez et apetisiez pour la mort de maint preudome. Pour ce retorna en France

    armis doctos, et scutigeros militari habitu honorifice ordinavit, et quos ab amore suo iuste separaverat, Dei dilectione compunctus, ad amicitiam suam omnino convertit ; amicos etiam et inimicos, domesticos et barbaros ad pergendum in Hispaniam omnes sibi associavit ; et quos rex sibi sociabat ad expugnandam gentem perfidam, ego Turpinus, dominica auctoritate, et nostra benedictione, et absolutionce, hos a peccatis cuncits relaxabam. Tunc, coadunatis sibi centum triginta quatuor millibus virorum bellatorum, profectus est in Hispaniam contra Aigolandum. »

    D’après Paulin Paris (Grandes Chroniques, t. II, p. 226, n. 2), ce passage de la Chronique de Turpin (cf. éd. Castets, p. 16), que Primat aurait omis de traduire, serait une preuve de sa mauvaise foi. Il l’accuse d’avoir modifié « sciemment le texte du pseudonyme Turpin », et il constate que « non seulement toutes les traductions partielles de Turpin, mais encore celle des chroniques de France qui précéda le travail des moines de Saint-Denis (manuscrit du roi 83962), reproduisent exactement le passage de l’auteur latin ». Voir aussi Chronique rimée de Philippe Mouskes, éd. de Reiffenberg, t. I, p. 205.

    Or, cette accusation de mauvaise foi est sans fondement. En effet, comme nous l’avons établi dans l’introduction au tome I (p. xiv-xvii), le texte que l’auteur des Grandes Chroniques suit généralement est celui du manuscrit latin 5925 de la Bibliothèque nationale. Si l’on se reporte à ce manuscrit (fol. 136 vo), on voit de suite que Primat se contenta de le traduire fidèlement et que la phrase incriminée n’existe pas dans ce manuscrit.

    Quant au manuscrit 83962 (aujourd’hui 2815), qui est une chronique de touz les rois de France et que Paulin Paris dit