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LE RYTHME ARTISTIQUE Scf

Il y a des danses iniiiiUjues, qui représentent la guerre, la chasse, des scènes d'amour, des légendes héroïques ou mythologiques, des rites magi- (lues ou religieux: aux émotions provoquées par le mouvement lui-môrae, il s'ajoute alors des émotions de toute sorte que cette représentation sus- cite par le souvenir, parle désir, par des associations multiples (i).

Le citant, qu'il accompagne ou non la danse, présente également ce dou- ble caractère: tantôt il est purement ()77Vy«e — c'est-à-dire qu'il n'exprime et ne communique les émotions que par le rythme, la mélodie et le timbre des sons, plus tard aussi par la description de ces émotions — tantôt épi- que on dramatique aussi bien que lyrique. Ce sont à coup sûr les émotions de l'amour, le désir en particulier, qui se sont d'abord et surtout expri- mées dans le chant; les oiseaux ne l'emploient guère qu'à cette fin (2). Ensuite viennent les charmes, les chants religieux, les chants de guerre,, les thrènes, les épithalames, les chansons satiriques (3).

§ 92. Pour s'être ainsi transformée en art, la manifestation des émotions par le mouvement et la parole n'en reste pas moins puissante. Elle le devient même davantage, par l'influence du rvthme. On a vu des sauvages danser et chanter avec une excitation croissante, incapables enfin de s'arrêter, jus- ((u'à ce qu'ils tombent épuisés dans un anéantissement de tout leur être, comme les bacchantes après les accès désordonnés de leur délire reli- gieux ('1).

§ 93. Cette esquisse historique est forcément grossière, incomplète. J'ai seulement tenu à démontrer aussi par l'explication de ses origines le but véritable de l'art: renforcer les émotions et s'en délivrer, en les exprimant et en les communiquant à d'autres. Il va sans dire que, une fois créées, les formes de l'art ont pu servir à d'autres fins et se modifier ainsi, se déve- lopper, se multiplier. Par son chant, l'amoureux ne veut pas seulement exprimer son désir, pas seulement le faire partager à la femme désirée, il

(i) Kn ilcliors des peuples encore sauvages, ces danses mimiques se sont perpétuées cliez les (Illinois, même dans le cullo des ancêtres (v. Amiot, Mémoires concernant les Chinois, \ I, Paris, 1780, p. 187 cl suiv., p. 287 et suiv.), et chez les Féroéicns (v. Hjalmar Tliurcn, Soinmelb. f. ilie internat. Musik-gesellsch., lU, igoi, p. 222 et suiv., Hulda Garborg, Song-dansen i Nord-landi. Ivristiania, iQoS). Sans aller si loin, nous les retrouvons dans nos ballets.

(2) Ces pri'miers chants d'amour sont probablement trop simples, trop grossiers et trop indi- viduels pour que les primitifs d'aujourd'hui les communiquent aux Européens et pour qu(; ceux lie nos lointains ancêtres se soient conservés. Il y a pourtant des traces de poésie erotique dans plusieurs recueils de folk-Iore primitif, par exemple dans la remarf[uable étude de M. 'Ihalbitzer Mir The Eshimo Lawjuaije, Copenhague, igo'j. Ce qu'il y a de certain, en tout cas, c'est que la j)oésie populaire d'aujourd'hui, chez les civilisés comme chez les sauvages, roule presque umque- inenl sur l'amour, sur les rapports de toute cspi'ce entre les deux sexes. Les recueils ou les frag- ments qui nous restent des siècles passés montrent qu'il en a toujours été de même aussi loin que MOUS pouvons remonter.

(3) Ce sont les chants religieux, incantations ou prières, qui ont dû se Irausmettro les pre- miers, puis les chants mythiques et héroïques.

(^) Les exemples sont nombreux. V. entre autres, ce que rapporte M. Franz Boas sur les Vatiali (Indiens de la Colombie Britannique) dans le Journal of Amer. Folh-Lore, I, p. l\Ç). Le ( hant des hymnes produit ({uelquefois des effets aussi puissants dans les assemblées des Rcviva- lists américains.