Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée

LES UYTIIMES FONCTIO?JNELS ^Q

§ ^|3. La deuxième objection s'applique aussi bien au rythme pensé ou potentiel qu'au rythme réalisé. Supposons qu'un mouvement du corps serve d'unique mesure au rythme. Quand la vigueur de ce mouvement augmen- tera, il s'abrégera, et en même temps que lui l'unité rythmique, puisque nous n'avons d'autre guide que la sensation dynamique de ce mouvement, et que pour obtenir la même dépense d'énergie avec un accroissement d'in- tensité il faut en diminuer la durée. C'est là ce qui arrive souvent, il est vrai — quand l'émotion qui nous pousse à renforcer le mouvement nous incite en même temps à accélérer la cadence. Mais il n'en est pas toujours ainsi: le mouvement musculaire peut devenir plus vigoureux sans que nous précipitions le rythme ; parfois même le rythme se ralentit — c'est presque toujours le cas quand il s'agit du mouvement des muscles expirateurs. 11 en résulte que le rythme ne saurait avoir ce mouvement pour mesure exclu- sive. On peut d'ailleurs le constater par diverses expériences, et c'est là ma troisième objection.

§ 4G. Pour percevoir ou observer la mesure, il n'est pas nécessaire delà battre extérieurement, ni intérieurement, de fait ni de pensée. Au contraire, il est dilficile de battre de la main ou du pied une mesure un peu lente sans rien prononcer, au moins intérieuiement et aux temps marqués — ce qui prouve que nous avons un guide plus sur que le mouvement adopté — dif- iicile même de danser bien en mesure sans entendre une mélodie ou chan- ter soi-même au moins intérieurement (i). Dans ce dernier cas, celui de la danse, on peut répliquer que le rythme de la musique et celui des pas se contrôlent et se renforcent, de même que deux personnes ont moins de peine à régler de concert leur marche sur un rvthme donné que si elles l'essayaient chacune à part. On pourra dire encore que par suite d'une éducation plus constante de l'oreille, nous sommes plus sensibles au rythme des sons qu'à celui des mouvements, même ceux de la danse, où le mouvement est pourtant le seul élément de l'unité rythmique (2). Mais il est alors impossible que la mesure, l'unique mesure, du rvthme musical et poétique se trouve dans le mouvement musculaire. La véritable expli- cation, c'est qu'il faut la chercher ailleurs. Du reste, les mouvements dont nous nous servons pour marquer et battre la mesure se produisent d'abord instinctivement, comme on le verra, et sans que nous ayons à l'origine celte fin en vue. Ce n'est donc pas à l'aide des rvthmcs fonction- nels ou moteurs que nous mesurons les unités rythmiques.

(i) Cp. : « Frcc rliythmic movement wUli Ihe sound is more rcgular tlian tliat witliout the Sound » (Scripture, Eléments of Expérimental Phonclics, p. 53 1). (2) Cp. Wundl, PfiYs. Psycli., III, p. 82 el suiv.

\ EKi'.iLiK. Métrique uwjiaiae, 11.