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CHAPITRE Vil LA VALEUR DU VERS

§ 208. Au point de vue du rythme, la prose offre en apparence plus de ressources que le vers. Mais la variété même et l'irrégularité foncière de son rythme le icndent beaucoup moins sensible ; la puissance en est beau- coup moins grande (i). Le rythme du vers n'agit pas seulement, avec une force croissante, par la répétition d'unités semblables, pieds, vers et stro- phes ; mais dans cette uniformité essentielle les variations permises par le mètre frappent d'autant plus que celui-ci est plus familier. Elles sont innombrables.

Prenons comme exemple le vers héroïque anglais. 11 a pour mètre :

f F f F f F f F f F.

Même chez les poètes les plus léguliers, chez ceux qui font alterner le plus rigoureusement une syllabe inaccentuée et une accentuée, il y a au moins des différences de timbre et de hauteur entre les diverses fortes et les diverses faibles. Nulle part, d'ailleurs, l'accentuation des fortes n'est identique, pas plus que celle des faibles. Leur quantité ou plutôt leur durée varie sans cesse entre certaines limites, le rythme se rapprochant plus ou moins, soit du genre binaire, soit du ternaire, soit du quinaire ; les ïambes décroissants (:,_) se mêlent aux trochées (-w). Les pieds ont par- fois trois syllabes au lieu de deux, quand le poète ne compte pas une con- sonne syllabique pour une syllabe. Presque toujours on rencontre çà et là des variations combinées, au moins la suppression de l'anacruse avec addi- tion d'une faible au premier pied (FffF...). Il y a aussi des pauses de valeur différente, des coupes de genre différent, qui n'ont pas de place fixe. La rime, avec tous ses degrés, l'allitération, l'assonance et la cons<i- nance, régulières ou occasionnelles, fournissent des movens multiples de nuancer encore l'expression. Les poètes contemporains, plus qu eux encore

(i) L'isochronisme des segments rythmiques est plus ou moins grossitrcment approximatif^ dans la plupart des cas, et la forme en est très variable.