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L HOMOPIIUME

§ -200. Ils agissent sur notre sensibilité et notre imagination. Sous leur «nchanlement, de vagues émotions frémissent dans notre âme et de trem- blantes images y surgissent, comme avec un frisselis courent sur les flots des reflets de flamme et des ombres changeantes. Il va sans dire qu'ici, pas plus qu'à propos du rythme et de l'intonation, je ne vise l'harmonie imila- tive au sens brutal du mot : dans la musique suggestive du vers, dans le multiple concert de la poésie, elle ne tient qu'une partie extrêmement restreinte et plus ou moins grossièrement tapageuse — sans jamais réussir à imiter réellement son modèle. Je songe à des effets bien plus subtils, bien plus intimes, bien plus mystérieux.

Aussi bien que les dilî'érentes lignes et les différentes couleurs, les diffé- rents timbres du son, comme les différents mouvements du rythme et les différentes nuances de l'intonation, émeuvent différemment notre sensibi- lité, éveillent en nous des états d'àme différents (i). Dans leur passage hâtif, dans leur succession confuse, ils ne produisent chacun à part qu'une impression relativement faible, indécise, éphémère. Mais la répétition de la rime, soutenue par le temps marqué, appuvée par l'accent le plus éner- gique du vers, secondée par 1 importance du mot choisi, renforce cette impression et l'enfonce plus avant dans la sensibilité. Ainsi, la rime donne pour ainsi dire au vers sa tonalité, comme â une mélodie le retour de la tonique, qui termine le morceau et laisse l'impression définitive. La rime donne au vers sa tonalité au point de vue du son; elle doit aussi la lui donner au point de vue du sens. Par là s'explique, d'ailleurs, qu'on préco- nise les rimes rares et qu'on proscrive les rimes banales : la rareté et la banalité attirent presque également l'attention sur la rime, celle-là pour en augmenter l'effet, celle-ci pour l'amoindrir et le gâter, non seulement sous le rapport du sens, mais aussi du son. Le son et le sens se font mutuellement ressortir : le son, en se répétant, associe solidement les idées et les sentiments exprimés par les deux mots homophones ; le sens, par l'imprévu de cette association, ajoute un élément nouveau à la puis- sance du timbre. Par une action différente, ils concourent tous deux au prestige de la rime. Mais c'est par le pouvoir émotif du son qu'elle existe. Souvent, par suite de raisonnements superficiels, on l'a trouvée trop maté- rielle et trop enfantine, on lui a dénié valeur et beauté. Mais après l'avoir dédaignée et même abandonnée, plus d'un poète lui a fait amende honora- ble. Carducci a terminé ses Odi Bothare, d'où il l'avait bannie, par un fer- vent et brillant envoi Alla Rima : Ave, dit-il dans les deuv dernières strophes,

Ave, o bella impératrice,

o lelice

del latin nietro reina !

un ribelle ti saluta

combattuta,

e a te libero s'inchina.

(i) V. /'c Partie. § 3i