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1)12 ESTIlETIQLi: DU IllTIIME

chaque trio de perles ou de rimes diffère des autres par la couleur ou le son. Autrement, l'œil ou roreille sont péniblement affectés, soit de consta- ter sur-le-champ cette brusque interruption dans la variété du rythme — variété à laquelle ils s'étaient habitués, sur laquelle ils comptaient — soit de se trouver ensuite déçus dans l'attente d'un rythme plus complexe, que peut éveiller cette répétition imprévue (i). Cette faute est pourtant moins sensible dans le temps que dans Tespace, dans les rimes que dans le collier, parce qu'on oublie assez vite les impressions auditives, surtout quand on n'en a eu que très obscurément conscience. Il est vrai que si la- répétition se produit à peu d'intervalle, elle attire forcément l'attention de- l'ouïe sur chacune des deux impressions en les renforçant l'une par l'autre : aussi ne peut-elle guère laisser de se faire sentir, et sentir en général consciemment. Les traités de versification ont donc raison quand ils con- seillent de l'éviter en principe.

Dans les rimes à combinaisons fixes mais variées et surtout dans les rimeS' mêlées, sans ordre fixe, le rythme est irrégulier et à peine esquissé. Cette fantaisie et ce vao'ue du rvthme ont un charme particulier. Dans les homo- phonies facultatives ou arbitraires, telles que lallitération de la poésie an- glaise moderne, le rythme commence à peine, pour cesser immédiatement.

Quant au rvthme des homophonies régulières, nous le sentons et l'ap- précions comme les autres, consciemment ou inconsciemment, mais avec moins de vivacité que le rythme par excellence, le rythme proprement dit, c'est-à-dire le rvthme intensif. Nous y sommes d'ailleurs plus ou moins sen- sibles suivant notre hérédité et notre éducation nationales.

C. — LE ROLE DE L HOMOPHOME.

§ 2o4- Si l'homophonie a une grande importance, c'est bien plutôt par son utilité et par ses qualités intrinsèques que par son rythme. L'homo- phonie sert à mettre en relief le rythme proprement dit, le rythme inten- sif, dont elle souligne les temps marqués principaux, dont elle aide à signaler la division en vers, en strophes, en poèmes. ^lais la réciproque est vraie. L'homophonie a par elle-même sa beauté propre, son eflicacité particulière: si on la met aux temps marqués, d'ordinaire aux principaux, c'est aussi pour que le rvthme intensif, à son tour, en lasse ressortir le- charme, en renforce l'influence. Certains critiques, d'intelligence abstraite ou de sensibilité obtuse, ne paraissent pas éprouver ni même soupçonner la vertu inhérente à ces « ornements du vers » . Ils n'y voient que puérils coli- fichets, que barbare clinquant. Ce sont bien des bijoux, plus ou moins riches, plus ou moins habilement choisis, plus ou moins artistement dis- posés — mais entre des mains guidées par l'inspiration, ces bijoux de- viennent des talismans.

(i) Si l'on a par exemple oottrcaa, on peut s'attciulre à un recommencement de la série aabbcc ou tout au moins à ddeeaa JJ'jgao, etc. Vienne alors ddecffijij, on éprouve un désappoin- tement.