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•2IO ESTIIETIQUK DU RYTHME

valeur émotionnelle, dont on trouve l;i une nouvelle preuve, riiomophonie fleurit dans les charmes, les incantations, les prières (i). Comme la poésie traditionnelle a sans doute commencé en tout pays par être religieuse (2), >on comprend que de ces formules l'homophonie ait passé dans la versifi- «cation de plusieurs dialectes indo-européens, tantôt sous forme d'allitéra- tion, comme chez les Italiotes et les Germains, tantôt sous forme d'assonance et de consonance, quelquefois réunies en rime complète, comme chez les Celtes. Peu h peu, l'allitération a presque disparu de la poésie latine, nous avons vu pour quelles raisons. Chez les Germains, au •contraire, elle se consolida et s'imposa définitivement comme facteur essen- tiel du mètre. L'exemple des Scandinaves contribua peut-être à l'établir régulièrement chez les Celtes (3), qui leurs enseignèrent en revanche à se servir régulièrement de l'assonance et de la consonance, peut-être aussi, au moins en partie, de la rime finale. Est-ce des Celtes également, à tra- vers la poésie latine des Gaulois romanisés, qu'elle a passé dans les hymnes •de l'église romaine? Zeuss le prétend. S'il avait raison, comme c'est à ces liymnes que l'ont empruntée les peuples romans, les Anglo-Saxons, les Allemands et les Scandinaves (4), la poésie de l'Europe moderne la devrait •en fin de compte aux Celtes. L'hypothèse peut sembler assez plausible ; xnais les preuves qu'on en donne, nous l'avons vu, sont au moins dou- teuses (5). Elle est d'ailleurs inutile : la rime s'est développée sans doute spontanément dans la poésie populaire des Latins. Elle a passé de là dans

■Tna:'te:(rjqe] ^ sanscrit /)j'/û ai ma' la ca, grec ~x-r'ip-z [xr-r^p -zlalinpaterquc materque, gotique

Jadaruh *mddaruh. C'est de *['pref:)ïontes loqe ' penontes] ou de *[priia:(io)ntes lo(qe) pi' ternies] ■que pouvait venir en vieux norrois frsèndr (y. Sievers, Beilrcige, XYIII, p. 4 10) *iâ jiandr, en gotique frijônds jahjîjands, en vieil anglais friend ge fiend ou frêond ge Jmnd, etc. (v. § 198) ;

'Cp. skr 'prïyalé « il aime », priyâ'yalê « il s'affectionne » 'prêyas « plus cher », v. isl. Frigg <^*[preïïa:], etc., et skr. 'p'iyali « il raille, il blâme », got. faia •< *['/3e;(o;] «je veux du mal à,

je blâme », lat. pêior (d'après Ilirt, Ahlaul ; pêior, d'après Walde, Elyin. Lai. Wb., viendrait de

^lpe(Tio:s]').

(I) V. § 187 et 193.

^2) Je veux dire que la poésie religieuse a dû se transmettre de génération en génération bien

avant toute autre.

(3) J'ose à peine émettre cette opinion. Voici mes raisons : 1° l'allitération n'existe pas chez les Bretons d'Armorique et de Cornwall, même dans les vers les plus anciens ; 2° bien qu'elle abonde dans les charmes irlandais en prose rythmée que contient un manuscrit du viiie ou du ix« siècle (S' Gall. n° iSgS), elle n'est pas encore régulière dans les vers irlandais les plus vieux (v. poèmes 3 et 4 du manuscrit de Saint-Paul en Carinlbie, dans le Thésaurus Palaeohibernicus de MM. Whitley Stokes et J. Strachan, Cambridge, 1908, p. 294). De même que chez les Romains, l'allitération a pu être amenée comme simple élégance par l'accentuation initiale, et elle aurait pu disparaître avec elle si l'influence des Scandinaves n'avait contribué à la maintenir •et peut-être même à la régulariser.

(4) Il ne saurait y avoir de doute pour les r'imur (v. Sievers, AUgerin. Melr., § 33, 4, et 72 et suiv.), qui au xiv^ siècle remplacent les mètres des scaldes. De même que la strophe des fol- hcviser, elles avaient probablement pris leur modèle direct dans la poésie allemande et la jjoésie anglaise: le septénaire à terminaison tintante ou tronquée. V. Add.

(5) Ce n'est pas pour la raison qu'invoque M. Kluge : Und dann warum solltcn germanischc "Stârame nicht auch selbstândig zu einer poetischen technik gekommen sein, zu welcher dcr gowiss nicht hôhcr veranlagte Stamm dcr Kclten gelangte .^ (P. B.'s Beilrâge, IX, p. 44o). On

irait loin avec de pareils raisonnements.