Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

208 ESTHÉTIQUE DU RYTlIMi:

demi-Strophe (i), mais vingt-quatre dans la strophe entière (2). Les vers se terminent par un dissyllabe (3). C'est une rinnard à trois assonances que celle-ci (4) :

Fland tendalach Temrach

tendri Fotla feraind

otha anall domûinim

isï achland dogegainn (5).

Maelmaire de Fathain (ix* siècle) ».

Outre l'allitération, cet exemple le montre, la rinnard contenait des -assonances, des consonances et des rimes intérieures ou finales, tantôt obligatoires, comme dans la grande rinnard, tantôt facultatives, comme dans la petite rinnard (6). On peut ajouter que par l'obscurité du style — due en grande partie à la construction, aux épithètes et aux périphra- ses (7) — il y a encore ressemblance entre la rinnard et le drôttkvtttt.

La rime finale n'apparait qu'assez tard dans la poésie Scandinave, à en juger du moins d'après ce qui nous en reste. Le premier et le plus illustre exemple est cette Hofuâlausn qu'Egill Skallagrimsson composa en une nuit, à York (986), pour « racheter sa tête » (8). En voici quatre petits vers :

Flugo hjaldrtranar â hnës lanar, vorot blô^s vanar benmos granar, (9).

(i) Cp. (^isu)helmingr.

(2) La petite rinnard contient !x vers ; la grande, It, 6, 8 ou 10.

(3) Plus exactement, comme dans le drôtlkvœtt, par un mot accentué sur la pénultième ou par un mot d'une syllabe et un enclitique ; mais le dissyllabe est la règle dans les deux vers.

(4) Caidhe em aichne rinnairde... Rinnard immoro tri nard inso (préface A du Calendrier d'Oengus (v. Transactions of the Royal Irish Academy, Irish Manuscript Séries, Part I, Dublin, 1880, p. II). AI. T\ h. Stokes traduit tri n-ard par « à trois assonances ». Rinnard signifierait une strophe où certaines fins de vers (mni) formeraient assonance (^ard). \. Revue Celtique, Y, p. 374, et cp. Irische Texte, III, p. 187. D'après Bunting {The Ancient Music of Ireland, Dublin, i84o, p. 35), les Gallois appelaient ainsi l'une des 24 mesures de leur musique. Gomme ils avaient emprunté ce nom aux Irlandais, il en résulte que la rinnard se chantait. L'imitation Scandinave, le drôttkvœtt, s'est-elle aussi chantée ? l'expression kveâa v'isu ne s'y oppose pas (v. p. 164, note 7).

(5) « Fland le fougueux, de Tara, farouche roi du pays d'Irlande, aussi loin (ou d'aussi loin) tpie j'y pense, c'est son clan que je choisirais. » — Je laisse au lecteur le soin d'étudier les alli- térations, assonances, consonances et rimes de ces vers.

(6) Gontrairement à l'usage Scandinave, la rime intérieure relie les deux petits vers, et l'allité- ration n'a le plus souvent lieu que dans le même : Techt ingcn Câid Cnoirpre — i ndail FoiVbe Fire, « le départ des chastes filles de Cairpre pour l'assemblée de la terre de vérité » (Martyrologe de Gorman, 17 janvier). — Sur la rinnard, v. O'Donovan, Grammar of the Irish Language, \>. liik; Revue Celtique, Y, 232, et VII, 870; Whitley Stokes, The Martyrology of Gorman, Londres, 1895, p. XXX et suiv. — La ressemblance du drôttkvœtt avec la rinnard a été signalée dès 1878 parEdzardi dans les Beitrùge de Paul et Braune, V, p. 583 et suiv.

(7) Sur les kcnningar irlandaises, v. Revue Celtique, XIII, p. 220, etc.

(8) V. Egilssàga Skallagrlmssonar, éd. Finnur Jônsson. Halle, 1894, p. igS et suiv.

(9) « Les grues du combat (= les corbeaux) ont volé aux rangées de cadavres amoncelés ; il n'a pas manqué de sang, le bec de la mouette des blessures (= du corbeau) «. Y. ib., p. 299.