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L IIOMOPIIOME 20.)

11 n V a évideininent pas daiitre explication à chercher si les Ano-lo- Saxons ont trouvé un modèle de versification riméc dans une poésie étran- gère mais familière. Ce modèle existait chez les Celtes, dans les hvmnes latines et chez les Scandinaves.

§ 198. Le sentiment qui fait voir, même à M. Sweet, dans les conqué- rants normands de l'Angleterre de purs Scandinaves, c'est-à-dire de purs Germains (i), engage également à soutenir que les conquérants anglo- saxons de la Grande-Bretagne ont complètement exterminé les Celtes dans la partie de l'ile où ils s'établirent. On invoque, comme irrécusable, le témoignage de la CV//'o«/<y//e anglo-saxonne (y). Et l'on ajoute : Nos ancê- tres ont sans doute été fort cruels, mais nous n'y pouvons rien ; et puis c'est ainsi que notre race est restée pure. Les Anglais d'aujourd'hui sont- ils beaucoup plus Germains que les Français du Nord? J'en doute. Même dans les régions où l'occupation fut très sanglante, les Angles et les Saxons, à plus forte raison les Jutes, gardèrent au milieu d'eux les Bre- tons comme esclaves ou comme vassaux. Pour la plupart, sans doute, ils prirent des Bretonnes pour femmes ou pour concubines. Ils ne s'emparè- rent pas de toutes les grandes villes à main armée; la population, à Lon- dres par exemple, resta donc en grande partie celtique (3). D'ailleurs, « il a existé, sans aucun doute longtemps après la conquête, beaucoup d'îlots bretons dans les parties occupées par les Anglo-Saxons ; l'élément breton a été longtemps puissant en Northumbrie » (^1). On peut citer les deux petits royaumes bretons de Loidis (Lecds) et d'Elmet (3). Certains passages d'Aneurin (6), dans Gododin, montrent que les Celtes de Deivyi- et de Brvneich, c'est-à-dire de Deira et de Bernicia, avaient simplement été incorporés par les envahisseurs. Bède parle des Bretons de Northum- brie comme encore libres en partie de son temps et en partie soumis aux Angles. La conquête tardive du sud-ouest de l'île ne présente aucunement le caractère d'une extermination : on pourrait presque dire qu'elle fut paci- fique, et de ce côté les rapports entre les deux races n'avaient l'ien d'hos-

(1) L'armée de Guillaume le Conquérant comprenait un corps île Normands, un corps de iiretons et un corps d'aventuriers français de toute provenance. Sous les Plantagenets, il y eut une invasion, pacifique cette fois, d'Angevins, de Poitevins et de Languedociens.

(2) Cette chronique inspire à certains auteurs, à Freeman par exemple, presque autant de vénération et de confiance que la Bible. Ces antiques annales, les plus vieilles chez les peuples germaniques, méritent sans doute notre respect, mais on ne saurait les croire infaillibles. Ne vont-elles pas jusqu'à prendre, comme le singe de la fable, « le nom d'un port pour un nom • l'homme » ? Port, justement, du latin Portas, qui devient le nom du fondateur saxon de Ports- inouth (v. Chronique A, années 5oi, et Henri de Iluntingdon, qui se fonde sur la chronique, //t<<. Anfjl.. II, Mon. Ilist. Brlt., p. 711 A). Portsmouth vient du nom latin Porlus Magnus (Mc'Y*? ^■•;-'^V' cliez Plolcmée, Mon. Hist. P>rit., p. xiii).

(3) 11 n'importe guère que cette population ait été peu ou prou romanisée : les noms tomme Vortigern n'ont rien de latin.

(A) Loth, Revue celtique, XIII, p. 't8G).

(5) Freeman, Old English History, New Edition, Londres, i8f)5, p. 89.

(6) Barde gallois du vi« siècle. V. Y Gododin, publiés et traduits par .lolm Williams ah Ithel, Llandovery, i852, et par Thomas Slej>hens, Londres, 1888 ; quelle qu'en soit l'authen- ticité, le fond du poème est certainement très ancien.