Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

l86 ESTHÉTIQI K DU RYTIIMK

Après un daclvle (j. ^.v. = y : i : i). le spondée (^_=2 : 2) a plus de len- teur, de poids, de gravité.

Les Grecs, plus attentifs que nous au rythme, s'attachaient presque tou- jours à lui conserver son caractère fondamental, pour qu'à travers toutes les variations l'état fondamental de la sensibilité restât permanent. — Dans l'hexamètre dactvlique, on ne tolère aucune variation de durée à la partie forte : à coté des dactyles (-^^) on ne peut mettre ni procé- leusmatiques (^^^J), ni anapestes (o>^_), ni amphibraques (i-^), mais seulement des spondées (^ _). Encore le dactyle est-il à peu près obliga- toire au cinquième pied : aussi la substitution du spondée à cette place pro- duit-elle, par l'intensité de la surprise, un effet très grand. Le trimètre ïambique du drame, surtout dans la comédie, admet un grand nombre de variations ; mais le renversement du pied fondamental, c'est-à-dire : _ au lieu de 1^ , est absolument interdit (i). — Dans les vers et les strophes logaé- diques, celles qui portent le nom de Sapho, d'Alcée, d'Archiloque, d'Alcman, d'Asclépios ou de Pindare, les variations rythmiques sont en parties fixes. Il en résulte qu'elles ne peuvent plus guère exciter la surprise. Mais elles exigent un effort d'attention qui les rend bien sensibles ; elles agissent en outre sur notre sensibilité et par le plaisir de l'attente satisfaite et par le retour rythmé de leur uniforme complexité. — Pour exprimer le trouble de l'àme, le désordre des passions violentes, les tragiques grecs emploient souvent le dochmius, ce groupe rythmique si complexe et si tour- menté, qui dispose de quinze formes différentes (2). — Par ses variations fréquentes et diverses, le trimètre des comiques se rapproche du rythme libre de la prose, sans pourtant jamais devenir aussi flottant, aussi vague.

Si nous passons de là à notre musique moderne, nous trouvons que le rythme s'y réduit presque toujours au retour isochrone du temps marqué : les unités rythmiques n'ont plus guère de commun que leur égale durée. Le rvthme s'atténue parfois encore davantage, comme dans certains mor- ceaux de Chopin, par l'abondance des syncopes : les flots n'ont plus de crêtes ni de cimes nettement dessinées, ils s'amollissent en vagues ondula- tions. jNIème quand il ne s'efface pas à ce point, le rythme ne sert plus guère dans notre musique qu'à ordonner les variations de durée d'après un certain mouvement et à les faire ainsi ressortir par le contraste ; il invite notre sensibilité à en recevoir les impressions multiples et changeantes dans une certaine disposition générale de joie ou de tristesse, d'entrain ou d'abattement. Il v a, pour ainsi dire, moins de permanence et peut-être de profondeur dans le cours de nos émotions, mais plus de vie. Notre sen- sibilité en est plus troublée, mais aussi plus riche.

§ i83. Dans un rvthme parfait, le temps marqué devrait toujours pré- senter une même force et revenir à intervalles rigoureusement égaux. Je ne veux pas insister de nouveau sur le résultat qu'aurait cette régularité de

(1) Dans toulc la poésie grecque, sauf erreur, l'inscription de Tralles est le seul morceau oîi ces deux formes s'emploient côte à cote. C'est, au contraire, très fréquent dans la poésie anglaise.

(3) L'exemple x'" du § g présente la plus simple et la plus fréquente, celle qu'on peut regarder comme fondamentale (cp. à ex. x").