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ORIGINE ET ÉVOLUTION DES MÈTRES POÉTIQUES ib']

Rondinella pellcgrina Che ti posi in sul verone Ricanlando ogni maltina Quellu Ilébile canzone...

ToMMAso Grossi.

Remarque. — Ce n'est pourtant pas l'imitation accentuelle de l'octonaire ou du septénaire antiques qui apparaît dans le plus vieux monument de la poésie fran- çaise, dans la Canlilène de S"' Eulalie (ix« siècle) : c'est le futur vers épique ou vers commun. MM. ïhurneysen (Zeilschr. f. roman. Philologie, xi, p. 3o5 suiv.) et L. llavet (/, c, p. a/io suiv.) y voient une continuation de riicxaraèlre latin sous forme à demi accentuelle. Je dis continuation, non imitation. Dans nos sep- ténaires et nos octosyllabes, nous avons une adaptation à demi accentuelle de la langue au rythme des septénaires et des octonaires quantitatifs. Dans notre déca- syllabe, nous aurions à l'origine une simple transfoi-nialion du puOtxi^oasvov, amenée par la confusion de la syllabe avec le demi-pied et par la chute des voyelles innacrentuées, c'est-à-dire analogue à celle qui s'est {)roduite dans notre alexan- drin libre (v. § lAg, fin) et surtout dans le vers germanique primitif (v. plus bas). Transcrits en latin, tels de nos décasyllabes donnent des hexamètres aussi bons que ceux de Commodicn, sinon meilleurs. Un poète populaire du iV siècle aurait pu composer un hexamètre de cette forme :

nia non asculta(t) 'los nialos consiliares l'allé non eskoltet les mais conselliers. (i)

S'" Eulalie.

D'autre part, avec la prononciation courante des derniers temps de Icmpire, comme on négligeait le rythme ])rimitif (2), la plupart des hexamètres quantitatifs ressem- blaient à nos décasyllabes par le syllabisme, l'accentuation et la coupe (j'indique par des italiques la place de l'accent) :

Quid domni facjant, audcnl cum talja fures.

\'ergil., BucoL, 111, iG.

Respont dus Xatme : car bons vassals i petnet.

Roland (Extraits de G. Paris, p. i38).

L'alternance binaire a pu s'introduire dans notre décasyllabe par la légère régu- larisation dont ce vers donne un exemple au commencement du second hémistiche; encore est-elle bien plutôt due à l'influence des septénaires et des octonaires, mais avant tout à la mélodie. Est-ce bien ainsi que sest peu à peu développé notre décasyllabe? Encore irrégulier dans S"^ Eulalie, il ne reparaît qu'environ deux siècles plus tard, dans le Roland, sous une forme tout à fait régulière. Les poèmes intermédiaires emploient l'octosyllabe. Ainsi, faute de textes, il nous est malheu- reusement impossible de suivre l'évolution de notre vers épique, qui devait devenir le mètre de l'épopée et du drame en Angleterre, en Italie, en Allemagne et dans les pays bcandinaves.

(i) Je ne prétends pas cpie ce vers vienne du préci'dont : je veux seulement montrer comment le mètre a pu se former. On sait que la versificalion de Commodien n'est pas accentuelle, bien qu'il se guide d'après l'accent (v. Ilavet, /. c p. 234 cl suiv.).

(2) Les scansions fautives des derniers métriciens en fournissent la preuve, ainsi que la forme de certaines rimes (v. p. ig.'j; note 6).