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l36 rSTIIKTIOUK DU llYTHME

syntaxique (v. Promiôrc l^arlie, § 67). Cet accent, nous en avons vu quel- ques exemples, change régulièrement de place sous l'influence du rythme (v. ib., p. 54, note 2, et 69, note i). Il est sans doute trop variable et peut- être aussi trop faible pour servir de base à la versification (1). En tout cas, on n'en tient pas compte dans le vers, où le temps marqué revient sim- plement de deux en deux syllabes, les fortes n'étant indiquées que par leur place. La versification chinoise est donc syllabiquc, comme celle des Perses, mais elle est en outre tonique : l'emploi des Ions, ou intonations fixes, est réglé par le rythme et sert par là même à le marquer (2).

Les Chinois attachent à chaque mot simple, c'est-à-dire à chaque syllabe, un ton particulier. La nature et le nombre de ces tons varient avec le dialecte et avec l'époque. A Pékin, par exemple, on n'en connaît aujour- d'hui que quatre : égal haut (~), égal bas (_), ascendant ('), descendant (^) (3). Mais partout et toujours ils se ramènent à deux grandes classes: intonation égale (~ et _), intonation inégale (' et ^). Aux syllabes paires du vers ou de riiémistiche, qui sont fortes, l'intonation est alternativement égale (-) et inégale (i), ou inversement ; aux syllabes impaires, qui sont faibles, elle est indifférente (+). Ex. :

[Mij -tsaï ^Ji: 'fieji, ^pu: 'yio ^pu: ~tj'iij .] (4)-

11 y a ici alternance de l'intonation 1° entre les deux fortes de chaque hémistiche, 2" entre les deux fortes principales \'tien, -tfiij\, 3° entre les deux fortes secondaires \-tsaï, 'vtôJ. Quant à l'unité du vers, elle est déter- minée, non seulement par ce schéma tonique et par le sens, mais encore

(i) Il a échappé à l'observation des Chinois, au moins en grande partie. V. Wade et Ilillier, A progressive Course... of CoUoqulal Chlnese, Chang-hai, 3« éd., igoS, I, p. g (/j. Rhythm).

(2) V. P. A. Zottoli, Cursus Lilteralurae sinicae. Chang-hai, t. III, 1880, p. YII, et t. \ , 1882, p. /13/i et suiv. ; R. de la Grasserie, Mélriijne chinoise, Revue de Linguistique, i8g3; Fr. Kùhnert, Uebcr dcn Rhythnins iin Chinesischen, Wiener Silzungsbcr., i8g6. — M. Kûhnert est le seul auteur qui donne quelcpies renseignements sur le rythme du vers chinois. Les autres ne s'occupent que des tons. On ne parle pas davantage du rythme dans les études parfois très dé- taillées qu'on a publiées sur la musique chinoise (v. Zottoli, /. c, t. II, p. 6b-- o ; Amiot, Mé- moires concernant les Chinois, t. VI, Paris, 1780; Ambros, Geschichte der Musik, t. I, 3" éd., Leipzig, 1887, p. 5io-529).

(3) Le ton égal bas, tout en conservant son nom, s'est changé en ascendant haut; il se distingue du ton ascendant en ce que la voix part d'une note plus aiguë et monte d'une manière égale (v. Arendt, Ilandbuch dcr nordchines. Umgangssprache, I, Stuttgart et Berlin, iSgi). Pour plus de clarté, je conserve le signe — . Le ton rentrant a disparu du pékinois, qui le remplace par l'un des quatre autres, comme dans ['ku:] « os, charpente osseuse » et [-ko] « excellent, extraordinaire »; quand c'est par un ton égal, celui-ci se transforme dans les vers en ton des- cendant — on verra tout de suite pourquoi.

(4) tf When the heart is enlightened by a spark of thc aîthercal intelligence, there is neither perturbation nor alarm » (Davis, The Poelry of the Chinese. 2'= éd., Londres, 1870, p. g). — Je donne la prononciation de Pékin, en me fondant sur le dictionnaire de W. Williams et, pour le ton de [pu:, /«:], sur la Grammar of the Chinese Colloquiçil Languacje de J. Edkins (Chang- hai, 1857 et i864).