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l3o ESTHÉTIQUE DU IlYTHME

de hauteur. Prenons, par exemple, une laisse d'Aucassin et NicolelLe(^i)

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Qui vau-roit bons vers o - ir Del de- port du vicl cai - Uf,

De dcu» biax cn-fnn» pe - lis Nt-clio-lelc cl y4u - cas-sins,

Des grans pai - nés qu'il sou - fri, £1 des prou-e - ces qu'il fist

Pour s'a - mi - e o le cler vis? Dox est li cans, biax H dis,

£t cor - tois et bien a - sis. Nus hom n'est si es - ba - bis,

Tant do - lans ni en - trc - pris, De grand mal a - mn - la - dis,

Se il l'oit ne soit ga - ris, FA de joi - c res - bau dis.

i;

zz:

Tant par est dnii - ic

Tous les vers, à part le dernier, ont la même durée ; ils contiennent le même nombre de syllabes (vu) et de temps marqués (iv), par conséquent aussi de mesures simples remplies de la même manière (2) ; ils se terminent sur la même assonance [/] ; ils présentent de deux en deux la même mélodie, si bien qu'ils s'unissent deux à deux en une phrase dont la fin est signalée par une demi-cadence (3) ; au bout de sept phrases pareilles — excepté sous le rapport de la matière linguistique — une phrase plus courte et ter- minée par une cadence parfaite indique la fin de la laisse, de la période hypermètre. Les laisses, ces mètres composés, l'orment à leur tour par leur répétition un rythme métrique d'ordre supérieur, un rythme strophique ; celui-ci est d'autant plus complexe, dans notre chantefable, que le récit en prose alterne avec le chant en vers monorimes. Il est pourtant bien simple encore par comparaison aux strophes ou couplets d'une chanson po- pulaire, telle que Le bon roi Dagobert, et surtout d'un morceau plus artis- tique, tel que la Marseillaise, pour ne rien dire des Odes de Pindare.

Bien que la mélodie souligne les formes du rythme, surtout les pauses, elle lui est extérieure. Aussi ne fait-elle pas réellement partie du mètre. Elle s'y applique et le met en relief; mais tandis qu'il reste invariable, ou à peu près, elle peut changer à chaque instant, souvent dans la même chan- son, presque toujours d'une chanson à l'autre.

Les mètres sont traditionnels, pour la plupart, et d'ordinaire assez peu nombreux. Aussi les reconnaît-on facilement. Il est rare qu'on en crée d'en- tièrement nouveaux. On se contente en général de modifier les anciens. On en adopte parfois d'étrangers.

(i) Je cite les paroles et la musique d'après l'éd. de M. Bourdillon, Londres, 1897, p. /j-G et i58. J'indique les temps marqués principaux par des caractères gras, les autres par des italiques. Je n'ose le faire pour le dernier vers. Le rythme des autres est sans doute -Lw-1-v^-Lv/_L(A) plutôt que J-_-L_j._-L(a). Cp. p. 98, note 2 .

(2) Aux. deux dernières mesures, il y a une différence mélodique entre les vers impairs et les pairs.

(3) Il y a enjambement entre les phrases 3 et /|, l\ et 5. En général, les phrases n'enjambent pas (v. Bourdillon, /. c, p. iSg).