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LE RYTHME ARTISTIQUE qq

incontestable que ce rythme en apparence si composé peut se développer <le lui-même dans une langue sans le concours d'aucun ao-ent extérieur. Par une évolution spontanée, surtout sans doute par la substitution d'une diction fondée sur l'accent à une diction artificiellement ïambique, notre ïilexandrin classique se divise à partir du xvi" siècle, ou plutôt du xvii, on deux dipodies croissantes :

J'ai revu l'ennemi que j'avais éloigné : Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.

f f F f f F f f F f f F(i)

Racine, Pliedre, I, 111, 3o3-4.

En continuant de grouper ainsi deux par deux, à l'aide de pauses accen- tuellcs, temporelles ou mélodiques, nous arrivons à la phrase ou au disti- que et à la période ou strophe de deux distiques (2). Cette strophe est celle qui domine, au moins au début, dans la plupart des poésies, sinon <lans toutes: chez les Chinois, chez les Hindous (3), chez lesGrecs, dans les hymnes de l'église latine, dans l'Edda, etc. Les autres n'en sont guère que des modifications, soit par redoublement (4), soit par addition d'une coda (5), etc. Il y a aussi des strophes ternaires, comme le triplet cel- tique et la rime tiercée : mais elles sont beaucoup plus rares (6).

Dans tout pays, sauvage ou civilisé, la vraie poésie populaire ne connaît guère d'autre strophe que le couplet ou le quatrain, surtout le quatrain (7).

(i) CVst là le ty|)c' iilcal et souvent réalisé chez RaciiK!. L'intensité relative des temps mar- <|ués, telle que l'iiuliquc cette scansion, n'existe évidemment guère qu'en principe ; elle était modifiée dans la déclamation, moins pourtant qu'on ne le croirait d'abord (la musique de Lulli semble en donner la preuve, v. /■"•' Partie, § i^o, 9").

(2) Il y a souvent deux chanteurs ou groupes de chanteurs, comme Lakon et Komatas chez Théocrite (V, 7^-137) ou Ménalque et Damœtas chez Virgile (B. III, G0-107), qui se renvoient ■des distiques rattachés par le sens et quelquefois par la rime en véritables quatrains. Mais le quatrain remplace de bonne heure le distique (v. Virgile, B. VII). Ces tençons en distiques ou en quatrains se rencontrent dans toutes les poésies populaires : chez les Grecs, les Romains, les Chinois, les Norvégiens (at slevjasl), les Islandais (aif Icueifast «), les Allemands (sclmader- hupfel), etc., etc. Souvent elles ont lieu entre un garçon et une fille et traitent d'amour, en termes parfois assez crus.

(3) L'nniistuhli. le çlûha, etc. Arnold, /. c. en particulier p. 2^5, C. V. aussi le Saptaçatal;a de Hâla, tout entier en quatrains.

(4) abababab (slrambotlo italien, v. /'•'^ Partie, ^ 286, 2", c), ababbcbc (huitain français, batlat royal de James, I, v. ib., a), ababcdcd, etc., aabaab. aabccb, oabab, oabbu (v. l^ Partie, 4; 286, I". 6). Le quatrain oaoa ou 0606 se transforme (;n quinlct ou en sizain à rime couée quand on fait rime.- dans l'un des vers impairs ou dans tous les deux la fin de l'hémistiche avec la fin du vers (v. ib., i; 220. fin, et 287, 2").

(5) ababab, ababcc {rispcttn toscan, commnn verse, v. ib., ^ 287, S»), ababccb (septain franrai" V. ib., j! 286, I" h).

(0) Chez les Celtes, comme ailleurs, c'est la strophe de quatre vers qui domine, soit isolée, soit en groupes. V. par exemple, le travail de M. Loth sur la Métrique Galloise (Cours de Littéra- ture celtique do M. d'Arbois de JubainviUe, t. IX), les traités de métrique publiés dans le t. III des Irische Texte de M. Windisch, etc.

(7) V. Gustav .Meyer, Essnys und Studicn. Strasbourg, i885, p. 289 et suiv. et surtout lî. ^teilbn, Enstrofig nordisk folklyrik {De svenska landsmâlen, n» 63, Stockholm, 1898).