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ga KSTIIETIQLE DU inTIlME

dans la danse «jfvmnastique et le chant purement lyrique, où il n'apportait point le souvenir de ces divers exercices, où même il cherche parfois à en oublier la l'atiouc.

§ 97. Si le rvthme est ainsi intervenu dans les manifestations de l'émo- tion parle mouvement et la parole, c'est que précisément il a une valeur émotionnelle. On peut même soutenir que dans le rythme sonore du tra- vail, c'est tout d'abord la valeur émotionnelle que l'homme a perçue, avant l'utilité, et qui a porté à le renforcer par d'autres bruits cadencés, par la parole, parle chant. Les chansons à travailler auraient donc déjà dans leur rvthme une origine esthétique : le désir inconscient de stimuler l'activité et d'alléger la fatigue (i). En tout cas, c'est évidemment par sa valeur esthétique, c'est-à-dire émotionnelle, que le rythme s'est de lui-même imposé aux mouvements et à la voix, comme au dessin, dans l'expression des émotions, qu'il transformait ainsi de manifestation désordonnée en art au moins rudimentaire (2).

§ 98. D'après les explications données plus haut (§ 8/i-88), on comprend comment par leurs combinaisons presque infinies de timbre, de hauteur^ de force, de rapidité et de durée, les sons du langage peuvent exprimer et communiquer toutes les affections de notre sensibilité. Les variations de la hauteur constituent la mélodie ; le chant proprement dit n'a guère fait que les rendre plus nettes et plus régulières (3). Les variations du timbre ont servi, au point de vue artistique, dans les homophonies et autres harmo- nies vocaliques ou consonantiques (4). Ce sont là toutefois des formes assez délicates, qui dans bien des versifications ne se sont développées que peu à peu et sur le tard. La mélodie joue dans la musique primitive un bien moins grand rôle que le rvthme : elle n'emploie qu'un nombre assez restreint de notes et d'intervalles (5); elle manque aux premiers instru-

(i) Dans les chaiils clioraxis, tels que les marches militaires ou les hymnes accompagnées do danses, comme elles le furent toutes au début (cp. got. laiks « danse » et moy. haut ail. leicli, « lai »), le rythme semble indispensable. Mais c'est là une pétition de principe : on admet im- plicitement la marche, la danse et en même temps le chant rythmés. Une troupe d'hommes peut fort bien crier sans aller en mesure, quand ils ne marchent point au pas ou que chacun bondit à son gré II n'en est pas moins vrai qu'ils sont portés à rechercher un rythme commun pour coordonner leurs mouvements et leurs cris en vue d'un efTet esthétique, c'est-à-dire émotionnel (cp. les paveurs, § 81).

(3) A la danse gymnastique correspond le dessin géoinétri([uc (traits, points, etc.), qu'em- ploient dans l'ornementation tous les peuples primitifs.

(3) Dans les langues primitives l'intonation était plus riche et jouait un plus grand rôle que dans les nôtres. Elle avait une valeur sémantique, comme parfois encore en chinois, où [;H;if], suivant le ton, signifie « vendre » ou « acheter ». On peut dire que longtemps le chant et la langue parlée sont restés confondus ou plutôt qu'ils sont nés jiar une difTércncialion du langage primitif. V. /■ Partie, § 109 et suiv.

(^) Y. /■■^' Partie, § 203 et suiv.

(5) Les intervalles ne sont même guère plus musicaux à l'origine que ceux des cris naturels ou du langage parlé, comme le montre la musique des peuples primitifs (v. Grosse, /. c, p. 270 et suiv.). — Les mélodies grecqiics se rapprochent encore « beaucoup plus de la déclamation parlée que do la musique pure » (Poirée, Essais de technique et d'esthétique musicales, Paris, 189S, p. la). — Ce qui a d'abord et longtemps dominé dans le chant, c'est le rythme (v. Grosse,