Page:Verne - Vingt mille lieues sous les mers.djvu/329

Cette page a été validée par deux contributeurs.

liquide éclairé électriquement, se distribuait avec une clarté parfaite. Nulle ombre, nulle dégradation de notre lumière factice. Le soleil n’eût pas été plus favorable à une opération de cette nature. Le Nautilus, sous la poussée de son hélice, maîtrisée par l’inclinaison de ses plans, demeurait immobile. L’instrument fut braqué sur ces sites du fond océanique, et en quelques secondes, nous avions obtenu un négatif d’une extrême pureté.

C’est l’épreuve positive que j’en donne ici. On y voit ces roches primordiales qui n’ont jamais connu la lumière des cieux, ces granits inférieurs qui forment la puissante assise du globe, ces grottes profondes évidées dans la masse pierreuse, ces profils d’une incomparable netteté et dont le trait terminal se détache en noir, comme s’il était dû au pinceau de certains artistes flamands. Puis, au-delà, un horizon de montagnes, une admirable ligne ondulée qui compose les arrière-plans du paysage. Je ne puis décrire cet ensemble de roches lisses, noires, polies, sans une mousse, sans une tache, aux formes étrangement découpées et solidement établies sur ce tapis de sable qui étincelait sous les jets de la lumière électrique.

Cependant, le capitaine Nemo, après avoir terminé son opération, m’avait dit :

« Remontons monsieur le professeur. Il ne faut pas abuser de cette situation ni exposer trop longtemps le Nautilus à de pareilles pressions.

— Remontons ! répondis-je.

— Tenez-vous bien. »

Je n’avais pas encore eu le temps de comprendre pourquoi le capitaine me faisait cette recommandation, quand je fus précipité sur le tapis.

Son hélice embrayée sur un signal du capitaine, ses plans dressés verticalement, le Nautilus, emporté comme un ballon dans les airs, s’enlevait avec une rapidité foudroyante. Il coupait la masse des eaux avec un frémissement sonore. Aucun détail n’était visible. En quatre minutes, il avait franchi les quatre lieues qui le séparaient de la surface de l’Océan, et, après avoir émergé comme un poisson volant, il retombait en faisant jaillir les flots à une prodigieuse hauteur.