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En ce moment, le globe lumineux qui éclairait la cellule s’éteignit et nous laissa dans une obscurité profonde. Ned Land ne tarda pas à s’endormir, et, ce qui m’étonna, Conseil se laissa aller aussi à un lourd assoupissement. Je me demandais ce qui avait pu provoquer chez lui cet impérieux besoin de sommeil, quand je sentis mon cerveau s’imprégner d’une épaisse torpeur. Mes yeux, que je voulais tenir ouverts, se fermèrent malgré moi. J’étais en proie à une hallucination douloureuse. Évidemment, des substances soporifiques avaient été mêlées aux aliments que nous venions de prendre ! Ce n’était donc pas assez de la prison pour nous dérober les projets du capitaine Nemo, il fallait encore le sommeil !

J’entendis alors les panneaux se refermer. Les ondulations de la mer qui provoquaient un léger mouvement de roulis, cessèrent. Le Nautilus avait-il donc quitté la surface de l’Océan ? Était-il rentré dans la couche immobile des eaux ?

Je voulus résister au sommeil. Ce fut impossible. Ma respiration s’affaiblit. Je sentis un froid mortel glacer mes membres alourdis et comme paralysés. Mes paupières, véritables calottes de plomb, tombèrent sur mes yeux. Je ne pus les soulever. Un sommeil morbide, plein d’hallucinations, s’empara de tout mon être. Puis, les visions disparurent, et me laissèrent dans un complet anéantissement.


CHAPITRE XXIV

LE ROYAUME DE CORAIL.


Le lendemain, je me réveillai la tête singulièrement dégagée. À ma grande surprise, j’étais dans ma chambre. Mes compagnons, sans doute, avaient été réintégrés dans leur cabine, sans qu’ils s’en fussent aperçus plus que moi. Ce qui s’était passé pendant cette nuit, ils l’ignoraient comme je l’ignorais moi-même, et pour dévoiler ce mystère, je ne comptais que sur les hasards de l’avenir.

Je songeai alors à quitter ma chambre. Étais-je encore une fois libre ou prisonnier ? Libre entièrement. J’ouvris la porte, je pris par les coursives, je montai l’escalier central. Les panneaux, fermés la veille, étaient ouverts. J’arrivai sur la plate-forme.

Ned Land et Conseil m’y attendaient. Je les interrogeai. Ils ne savaient rien. Endormis d’un sommeil pesant qui ne leur laissait aucun souvenir, ils avaient été très-surpris de se retrouver dans leur cabine.