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Frontignac.

Je ne pense pas à elle. Je pense au portier. Ah ! qu’il va donc s’amuser tout à l’heure.

Savinien.

Tant mieux, tant mieux ! Mais cette petite poste ! quoi ? Je ne comprends pas.

Frontignac.

Eh bien hier, à cette fenêtre, je fumais mélancoliquement un de tes excellents cigares, en pensant à certain cheveu gris que le matin même Dominique avait cru découvrir sur ma tempe gauche, quand j’entends pousser un petit cri. Je lève la tête et j’aperçois Madeleine qui venait de laisser tomber un peloton de laine. Je rattrape au vol ledit peloton, j’écris à la hâte sur un bout de papier : « Mademoiselle, mon neveu sèche d’amour pour vous ; si vous ne lui répondez pas, je le connais, il est homme à se brûler la cervelle. » J’attache le poulet à la boule de laine, je fais un signe, le fil remonte, emportant ta déclaration. Un instant après il redescend, rapportant la réponse. Tiens, la voilà ! (Il lui donne une lettre qu’il tire de sa poche.) « Que M. Savinien ne se brûle rien, je n’aime et n’aimerai jamais que lui. » Est-ce charmant ? Hein !

Savinien, baisant la lettre.

Chère Madeleine !

Frontignac.

Dès lors la route était connue. Depuis hier nous avons échangé mille protestations plus incendiaires les unes que les autres, à faire venir les pompiers… Tiens, si tu veux t’enivrer de ses pattes de mouche, en voilà ! scélérat, en voilà ! (Il lui donne une liasse de lettres.)

Savinien, les baisant avec transport.

Ô bonheur !