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se fait hélice, et son vol est hélicoptère. Aussi, le moteur de l’avenir est-il l’hélice…

 
― « D’un pareil maléfice,
Sainte-Hélice, préservez-nous !… »


chantonna un des assistants qui, par hasard, avait retenu ce motif du Zampa d’Hérold.

Et tous de reprendre ce refrain en chœur, avec des intonations à faire frémir le compositeur français dans sa tombe.

Puis, lorsque les dernières notes se furent noyées dans un épouvantable charivari, Uncle Prudent, profitant d’une accalmie momentanée, crut devoir dire :

« Citoyen étranger, jusqu’ici on vous a laissé parler sans vous interrompre… »

Il paraît que, pour le président du Weldon-Institute, ces reparties, ces cris, ces coq-à-l’âne, n’étaient même pas des interruptions, mais un simple échange d’arguments.

« Toutefois, continua-t-il, je vous rappellerai que la théorie de l’aviation est condamnée d’avance et repoussée par la plupart des ingénieurs américains ou étrangers. Un système qui a dans son passif la mort du Sarrasin Volant, à Constantinople, celle du moine Voador, à Lisbonne, celle de Letur en 1852, celle de Groof en 1864, sans compter les victimes que j’oublie, ne fût-ce que le mythologique Icare…

― Ce système, riposta Robur, n’est pas plus condamnable que celui dont le martyrologe contient les noms de Pilâtre de Rozier, à Calais, de Mme Blanchard, à Paris, de Donaldson et Grimwood, tombés dans le lac Michigan, de Sivel et de Crocè-Spinelli, d’Eloy et de tant d’autres que l’on se gardera bien d’oublier ! »

C’était une riposte « du tac au tac, » comme on dit en escrime.

« D’ailleurs, reprit Robur, avec vos ballons, si perfectionnés qu’ils soient, vous ne pourriez jamais obtenir une vitesse véritablement pratique. Vous mettriez dix ans à faire le tour du monde ― ce qu’une machine volante pourra faire en huit jours ! »