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ONZE JOURS DE SIÉGE

Encore ! Ah çà ! nous allons recommencer ! Ce n’est pas chose convenue ?

Laurence

J’espérais, au contraire, que mes observations…

Robert

Mais vos observations sont des enfantillages, ma chère amie ; je ne veux pas, en les prenant au sérieux, nous rendre aussi ridicules l’un que l’autre !

Laurence

Ridicules !… parce que vous m’auriez fait un petit sacrifice ?

Robert

Eh ! mon Dieu ! demandez-moi des choses raisonnables !… Mais, j’en appelle à vous, voyons !… m’empêcher de sortir ce soir, d’aller à ce rendez-vous… une fantaisie pareille ! un caprice aussi puéril !

Laurence

J’ai vu le temps où vous n’auriez même pas songé à le discuter.

Robert

Ah ! voilà bien mon tort, parbleu ! C’est d’avoir fait, dès les premiers jours, une telle abnégation de mon autorité, que, de concession en concession, nous en sommes aujourd’hui, vous, à la tyrannie, et moi, à l’humiliation !

Laurence

Oh !

Robert, appuyant.

Oui ! à l’humiliation ! En vérité, si je vous laissais faire, je ne serais plus un homme, mais un enfant mené à la lisière… Je ne pourrais ni sortir ni rentrer sans consulter votre bon plaisir ! Et je n’irais plus voir de bons amis, le soir, qu’à la dérobée, et en me glissant le long des murs, comme un homme qui va commettre un crime !

Laurence

Oh ! ce n’est pas un crime !

Robert

Vous êtes bien bonne !

Laurence

Mais c’est une faute !

Robert

Eh bien, ma chère Laurence, le sage pèche sept fois par jour ; or, je suis dans les limites de la sagesse, puisque, depuis ce matin, je n’ai encore commis que deux fautes !

Laurence

Vous êtes modeste ! Lesquelles ?

Robert

La première, c’est de vous avoir parlé de cette partie projetée, au lieu d’imaginer quelque prétexte ; la seconde, c’est d’avoir discuté avec vous mon droit d’y aller !… Je me per-