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mathias sandorf.

— Va donc dès aujourd’hui, mon fils, et rends-lui en même temps la visite que je ne peux lui rendre moi-même ! »

Pierre Bathory embrassa Mme Bathory. Il la tint même longtemps serrée contre sa poitrine. On eût dit qu’un secret l’étouffait, — secret qu’il n’osait avouer, sans doute ! Qu’y avait-il donc, dans son cœur, de si douloureux, de si grave, qu’il n’osât le confier à sa mère ?

« Mon pauvre enfant ! » murmura Mme Bathory.

Il était une heure après midi, lorsque Pierre prit le Stradone pour descendre jusqu’au port de Gravosa.

En passant devant l’hôtel Toronthal, il s’arrêta un instant, — rien qu’un instant. Ses regards se portèrent vers l’un des pavillons en retour, dont les fenêtres s’ouvraient sur la rue. Les persiennes en étaient fermées. La maison eût été inhabitée qu’elle n’aurait pas été plus close.

Pierre Bathory reprit sa marche qu’il avait plutôt ralentie qu’interrompue. Mais cela n’avait pu échapper au regard d’une femme, qui allait et venait sur le trottoir opposé du Stradone.

C’était une créature de grande taille. Son âge ?… Entre quarante et cinquante ans. Sa démarche ?… Mesurée, presque mécanique, comme si elle eût été